L’imaginaire conspirationniste dans ses contextes : fictives « sociétés secrètes » et manipulations lucifériennes
La double postérité de
L’Énigme sacrée : Holey et Brown
L’ouvrage célèbre de Michael Baigent, Richard Leigh et Henry Lincoln, The Holy Blood and the Holy Grail, paru à Londres en 1982 et traduit l’année suivante en français sous le titre L’Énigme sacrée, synthèse d’un certain nombre d’études savantes et semi-savantes mêlées à des récits fictionnels ou à des témoignages mensongers, où il est question de Jésus-Christ, du Saint Graal, du Prieuré de Sion, des Cathares, des Templiers et des francs-maçons, cet ouvrage a inspiré de nombreux autres ouvrages de moindre qualité, et s’est récemment rappelé à la mémoire collective à travers l’immense succès international rencontré par le roman de Dan Brown, Da Vinci Code (2003). L’Énigme sacrée aura constitué le best-seller international qu’on est en droit de considérer comme le plus important texte-précurseur du roman de Dan Brown, qui en a mis en scène les principaux thèmes. Le même trio britannique a publié en 1986 The Messianic Legacy, traduit l’année suivante en français sous le titre Le Message. L’Énigme sacrée **, où il est question du Messie, des Mérovingiens, de l’Ordre de Malte, du Roi perdu, de Rennes-le-Château et du Prieuré de Sion. Le Da Vinci Code s’ouvre sur un court avant-propos, intitulé « Les faits ». Lisons le premier paragraphe, où le romancier abuse le lecteur :
« La société secrète du
Prieuré de Sion a été fondée en 1099, après la première croisade. On a découvert en 1975, à la Bibliothèque nationale, des parchemins connus sous le nom de
Dossiers Secrets, où figurent les noms de certains membres du
Prieuré, parmi lesquels on trouve Sir Isaac Newton, Botticelli, Victor Hugo et Leonardo Da Vinci
13 . »
L’ennui, c’est que ces prétendus « faits » relèvent autant de la fantaisie que de l’imposture : ils sont les produits de
la mythomanie d’un certain Pierre Plantard (1920-2000), dit Plantard de Saint-Clair, qu’on peut considérer comme un escroc littéraire
14. Le « Prieuré de Sion » avec ses grands maîtres prestigieux est une invention de Plantard (qui se présentait comme le dernier grand maître dudit Prieuré
15, littérairement exploitée par Baigent, Leigh et Lincoln, vingt ans avant Dan Brown. Les « Dossiers Secrets » sont un faux, dû à Plantard et à l’un de ses acolytes (Philippe de Chérisey). Qu’ils aient été déposés à la Bibliothèque nationale n’y change rien. Dan Brown a donc fabriqué son roman sur la base d’un certain nombre de « forgeries » et de mensonges historiques, abusivement transformés en faits historiques établis ou hautement vraisemblables par Baigent/Leigh/Lincoln et d’autres auteurs jouant les contre-experts
16. Certains ouvrages suscités par l’immense succès rencontré par le roman de Dan Brown, en dépit de leur auto-présentation en « guides » de lecture critique fournissant des précisions historiques, font eux-mêmes partie du même champ que leur objet
17. Ils nourrissent l’imaginaire ésotérico-conspirationniste, légitiment les croyances à des récits pseudo-historiques et renforcent l’illusion du lecteur d’être lui-même initié aux « grands secrets », au même titre que nombre d’ouvrages d’aspect académique sur les « sociétés secrètes » et les « gouvernants invisibles » (Hutin, Gerson-Mariel, etc.).
L’idée directrice du roman de Dan Brown, à savoir que le Christ, époux de Marie-Madeleine, a eu une descendance qui s’est prolongée jusqu’à nos jours, est un emprunt fait à des ouvrages tels que
L’Énigme sacrée de Baigent, Leigh et Lincoln ou
La Révélation des Templiers de Lynn
Picknett et Clive Prince
18. Ces auteurs d’ouvrages à succès ont eux-mêmes repris certaines interprétations pour le moins contestables de textes décrivant de façon allusive les relations entre Jésus et Marie-Madeleine, tel l’Évangile de Philippe (LVIII, 33-6), l’un des Évangiles gnostiques qui figuraient dans le trésor de Nag Hammadi, découvert en Égypte en 1945. Baigent, Leigh et Lincoln ont ajouté à ce récit légendaire la thèse fantaisiste que le prétendu « Prieuré de Sion » avait pour mission véritable de défendre la lignée sacrée descendant du couple. Il en va de même pour l’interprétation du Saint-Graal, désignant traditionnellement le calice ayant recueilli le sang du Christ lors de la crucifixion : Dan Brown reprend de
L’Énigme sacrée la thèse, présentée comme une vérité occultée par l’Église, selon laquelle le Graal serait la métaphore de la lignée du Christ, donc le « rameau » par lequel les rois mérovingiens descendraient du Christ. Ce qui suppose que Marie-Madeleine, après la crucifixion, se serait réfugiée en France avec son enfant, et que l’un des descendants de celui-ci, qui se serait marié avec un membre d’une tribu franque, aurait fondé la dynastie mérovingienne. Il suffit, pour corser l’intrigue, d’ajouter que les Templiers ont été créés pour protéger le « grand secret » du Saint-Graal. Quant à Léonard de Vinci, présenté comme l’un des grands maîtres (de 1510 à 1519) du « Prieuré de Sion » (cette invention du mythomane nommé Plantard, en 1956), il est clair qu’il n’a pas dissimulé dans ses tableaux des indices du fictif « grand secret » (le mariage de Jésus et de Marie-Madeleine). La remarquable enquête de Marie-France Etchegoin et Frédéric Lenoir l’a bien établi. Sur les Templiers comme sur Léonard, Dan Brown apparaît comme un compilateur pressé faisant feu de tout bois.
Mais les matériaux symboliques et les ressources narratives du livre-synthèse de Baigent/Leigh/Lincoln (et des suivants) ont également été réinvestis par certains auteurs d’extrême droite, plus particulièrement des néo-nazis, des
chrétiens fondamentalistes ou des membres des milices patriotiques américaines adeptes de la théorie du complot juif, judéo-maçonnique ou judéo-ploutocratique. L’un des derniers textes de l’ufologue conspirationniste Milton William Cooper, « Secret Societies/ New World Order », y fait expressément référence :
« I had intended to go into great detail linking P2, the Prieure de Sion, the Vatican, the CIA, organizations for a United Europe, and the Bilderberg Group. Fortunately, Michael Baigent, Righard Leigh & Henry Lincoln beat me to it. I say fortunately, because they confirm my previous allegation that I published in my paper “ The Secret Government" that the CIA had plants, called moles, deep within the Vatican. You must read
Holy Blood, Holy Grail and
The Messianic Legacy, both by Baigent, Leigh, & Lincoln. Any reputable bookstore should carry them. Between pages 343 and 361 of
The Messianic Legacy you can read of the alliance of power that resulted in a secret world government
19. »
Le plus récent best-seller international dans le genre est dû à un personnage que nous avons déjà rencontré, Jan Udo Holey, auteur masqué du
Livre jaune en trois volumes (n° 5, n° 6, n° 7). Ces trois volumes contiennent significativement des extraits commentés ou illustrés, ou simplement des paraphrases des
Protocoles des Sages de Sion, le plus célèbre faux antisémite de l’histoire occidentale
20. Holey n’hésite pas à soutenir que « le recueil complet des
Protocoles dépeint la situation actuelle de notre monde
21 ». Les trois volumes du
Livre jaune prétendent raconter avec force détails « l’histoire de quelques personnes bien tangibles qui, en 1773, établirent un projet à Francfort dans une maison
de la Judenstrasse (rue Juive) [
sic] », et « voulaient préparer la voie pour leur Gouvernement mondial unique jusqu’en l’an 2000 au moyen de trois guerres mondiales
22 ». C’est pourquoi l’on ne s’étonne pas de tomber souvent sur la référence fantaisiste aux «
Protocoles des
Illuminati de 1897
23 », censés fournir, selon la formule métaphorique rituelle dans les milieux antisémites, « la clé du mystère
24 ». Reconduction d’une légende fabriquée par les premiers propagateurs des
Protocoles : le document aurait été présenté lors du premier Congrès sioniste tenu à Bâle, en août 1897, dans le cadre d’une réunion secrète. Les leaders sionistes en congrès peuvent ainsi être transformés en « Sages de Sion » préparant leur grand complot. Le lecteur du
Livre jaune n° 7 est prévenu dès l’avant-propos de l’ouvrage : « Ce livre essaie de révéler au grand jour l’existence de “l’Empire Satanique”. Il vous aidera à découvrir ceux qui tirent les ficelles dans les coulisses des événements de ce monde […]. Il deviendra de plus en plus clair pour vous qui, quelle force contrôle le
Nouvel Ordre mondial 25 . »
Dans son
Da Vinci Code, Dan Brown a réussi une opération délicate : extraire d’un fatras symbolique dominé par le conspirationnisme et l’antisémitisme les matériaux d’une intrigue soigneusement « purifiée ». Cependant, même si les traces de la mythologie anti-judéo-maçonnique sont effacées par le romancier (au contraire de la mythologie anti-catholique
26, les lecteurs sensibles à cette
mythologie s’y retrouvent. Le fond remonte à la surface. Il peut du moins remonter à la surface. Ce roman peut être abordé comme un palimpseste. Ce qui engage à décoder un texte consacré au codage et au décodage. Les termes-symboles (tels que « Prieuré de Sion » ou «
Illuminati ») sont là pour faire démarrer le travail de l’imagination conspirationniste. On peut en voir une preuve dans ce révélateur qu’est le
Livre jaune dont l’auteur puise aux mêmes sources que Dan Brown. C’est aussi en référence à
L’Énigme sacrée (notamment) que Holey mentionne le « Prieuré de Sion » ou les
Illuminati pour développer le thème du complot mondial, mais sans prendre la peine de nettoyer son discours de ses implications antijuives et antimaçonniques, avec un zeste de satanisme. Dans le
Livre jaune n° 6 (2001), on lit par exemple, au chapitre 12 (intitulé « Les Protocoles des Sages de Sion ») : « Les leaders des
Illuminati sont un petit groupe puissant de banquiers internationaux, d’industriels, de scientifiques, de responsables militaires et politiques, d’éducateurs, d’économistes. Tous ont adopté la doctrine luciférienne d’Adam Weishaupt et d’Albert Pike [présenté comme le grand disciple américain de Weishaupt]. Ils vénèrent Lucifer […]. Ils reprennent à leur compte la conspiration luciférienne, pour prendre le contrôle absolu dans le monde
27 . » Trait caractéristique de la fabrication de ce genre de récits mythopolitiques : la reprise sans distance critique de légendes sur tel ou tel personnage lié à la mythologie des « sociétés secrètes », ici Adam Weishaupt (1748-1830), chef des « Illuminés de Bavière
28 » , ou Albert Pike (1809-1891), auquel il est devenu rituel, dans les milieux antimaçonniques, d’attribuer un culte luciférien
29. Albert Pike, avocat et général
devenu maçon en 1850, avait été élu en 1859 Souverain Grand Commandeur du Grand Conseil du Rite, pour la région Sud des États-Unis, fonction qu’il occupa pendant trente-deux ans
30. Il s’agit donc d’un personnage historique d’une certaine importance, mythologisé par Léo Taxil, fondateur en cela d’une tradition polémique antimaçonnique dont témoignent la plupart des auteurs conspirationnistes depuis la dernière décennie du XIX
e siècle
31. Le très imaginatif Taxil, inventeur du « Rite Palladique Réformé nouveau » (dénoncé comme un culte satanique), présentait Pike comme le pape luciférien du « Palladisme » à l’échelle mondiale
32, auquel aurait succédé le Grand Maître italien Adriano Lemmi (1822-1906) – autre personnage historique « fictionné » par Taxil. En 1994, le conspirationniste canadien Serge Monast, en fidèle disciple de Taxil, présentait ainsi le célèbre franc-maçon américain : « Albert Pike, Grand Pontife de la Franc-Maçonnerie universelle, franc-maçon du 33
e degré, Grand Prêtre de l’Église satanique […]
33 ».
Retour sur une mystification exemplaire : l’affaire Léo Taxil
Parmi les rumeurs et les légendes qui couraient sur Pike, dans le vaste espace du diabolisme au XIX
e siècle, il en est une que rapporte ainsi le « docteur Bataille » (cachant le docteur Charles Hacks et Léo Taxil) dans sa revue intitulée
Le Diable au XIXe siècle : « […] Le suprême grand-maître Albert Pike avait à sa disposition un démon domestique, de l’ordre inférieur, qui paraissait dès qu’il l’évoquait chez lui, et à qui il confiait le soin de transporter, en quelques secondes, où il fallait, les documents de la plus extrême importance
34 . » Le prétendu « Dr Bataille », dans ses « révélations », raconte comment, ayant infiltré les loges maçonniques de Charleston (Louisiane), « la Venise américaine », où régnait Albert Pike, « le Souverain Pontife des francs-maçons
35 », président à vie du groupe maçonnique de la Caroline du Sud, et fondateur du Palladium nouveau et réformé (résurrection du Palladium, ancienne maçonnerie des deux sexes), il avait pu découvrir que le vrai grand maître caché n’était autre que Satan en personne. On ne saurait donc s’étonner de ce qu’à Charleston, « le centre du satanisme universel », Satan apparaissait « une fois par semaine, à l’heure fixe, le vendredi », dans la « salle appelée le Sanctum Regnum et devant le Baphomet original
36 ». Le Baphomet (tête de bouc, étoile flamboyante sur le front, seins de femme, grandes ailes déployées, pieds fourchus, etc.), précise Léon Meurin, est « tout à la fois une figure panthéistique du grand
Tout, et la représentation de Lucifer
37 ». C’est l’occasion pour Meurin de réactiver la légende templière : « Ce Baphomet adoré par les Templiers est une preuve certaine de la connexion entre les anciennes sectes christiano-kabbalistiques et l’ordre dégénéré des Templiers
38 . » C’est à Adolphe Ricoux, parlant au nom de Mgr Fava et de Taxil
39, que Meurin laisse le soin d’affirmer la continuité entre les Templiers et la maçonnerie luciférienne, avec un luxe de précisions chimériques : « Quant au fameux Baphomet, qui avait été […] donné aux
Templiers par le Grand Architecte lui-même pour leur servir de Palladium, il fut transporté, en 1801, à Charleston, aux États-Unis, et là fut fondé le premier Suprême Conseil, qui a constitué ensuite peu à peu les 24 Suprêmes Conseils maçonniques existant actuellement sur le globe
40 . » Or Satan, ange de la révolte, est aussi Lucifer, le porteur de la Lumière
41.
À Charleston, « la Rome luciférienne », la capitale du culte satanique que serait le « Palladisme », « le Vatican de la franc-maçonnerie universelle », les hauts maçons adoraient donc le Diable dans les « Arrière-Loges ». Satan présidait les assemblées des « Arrière-Loges », et ainsi donnait ses consignes aux nouveaux maîtres du monde. La mystification de Léo Taxil (pseudonyme pris par l’écrivain pamphlétaire Gabriel-Antoine Jogand-Pagès, 1854-1907), fondée sur l’exploitation cynique des rumeurs, légendes et stéréotypes de l’antimaçonnisme radical des milieux catholiques des années 1880 et 1890
42 – qui tend à se confondre avec un anti-judéomaçonnisme de plus en plus virulent –, a consisté à offrir aux crédules, de 1885 à 1897, les « preuves » que la franc-maçonnerie était une société secrète d’adorateurs de Satan : « La Franc-Maçonnerie […] est essentiellement démonolâtre
43 . » La maçonnerie est littéralement diabolisée : elle est dénoncée comme le temple de Satan, la « Synagogue de Satan », titre du livre célèbre de Mgr Meurin
44. Après avoir cité longuement les descriptions fantaisistes et malveillantes de Taxil et de
Ricoux, Meurin conclut : « L’adoration de Lucifer, par la prière qu’à l’ouverture des travaux font tous les membres à genoux, est le comble des mystères maçonniques. Il n’y a plus de doute : nous sommes en présence de la
Synagogue de Satan45 . »
Taxil invente et lance ensuite sur le marché de la crédulité antimaçonnique le personnage de Diana Vaughan, grande prêtresse luciférienne (plus précisément, de l’ordre imaginaire le Palladium), l’égérie de la maconnerie infernale, et raconte avec force détails les aventures de la jolie papesse de Charleston, jusqu’à sa conversion au catholicisme en juin 1895 par Bataille, qui l’aurait rebaptisée Jeanne en l’honneur de la Pucelle d’Orléans
46. Soupçonné d’escroquerie par certains milieux ecclésiastiques depuis 1896, Taxil décida de « passer aux aveux » le 19 avril 1897 et ainsi de mettre fin lui-même à l’une des plus grandes impostures de l’histoire occidentale. Mais, après la confession publique du mystificateur, l’imposture ne cessa pas d’avoir des effets : nombre d’antimaçons affirmeront que les « aveux » de Taxil n’étaient qu’une nouvelle ruse de Satan. Un amalgame polémique aura été durablement mis en place et en circulation : l’assimilation entre ésotérisme (occultisme, gnose, etc.) et maçonnerie, figure de l’ennemi absolu de l’Église et principe de toutes les hérésies. Lorsque l’abbé Emmanuel Barbier (1851-1925) dénonce, en 1910, « les infiltrations maçonniques dans l’Église », il vise en fait l’ésotérisme compris comme l’hérésie même, ou encore, à travers Paul Vuilliaud (1875-1950), comme « une variante de la gnose éternelle, naturellement allié à l’hérésie moderniste
47 ». Après lecture de son livre, l’évêque de Verdun lui écrivit : « Vous signalez un danger que beaucoup ignoraient jusqu’ici. L’écueil apparaissait bien parfois à la surface, mais il était plus caché que visible et n’en était que plus redoutable. Il est bien vrai que l’ésotérisme nous
envahit et qu’il est propagé chez nous par la Franc-Maçonnerie
48 . »
Les mensonges diffamatoires et les rumeurs délirantes visant la franc-maçonnerie alimentèrent notamment, en France, la
Revue internationale des sociétés secrètes, créée en 1912 par Mgr Ernest Jouin (1844-1932), l’un des premiers éditeurs, en langue française, des
Protocoles des Sages de Sion (octobre 1920)
49. Mgr Jouin entretenait une correspondance régulière avec l’agitateur antisémite, antimaçon et anticommuniste allemand Ludwig Müller (1851-1929), dit Müller von Hausen, qui sera le premier à publier, sous le pseudonyme de Gottfried zur Beek, une traduction allemande des
Protocoles, parue en janvier 1920
50. En 1930, dans la
Revue internationale des sociétés secrètes, sous la direction de « Spectator » (pseudonyme de Jouin ?), est publié un ensemble d’études et de documents sur « le mystère de Léo Taxil » et « la vraie Diana Vaughan ». Il s’agit à la fois de prouver que la « palladiste » Diana Vaughan a bien existé, donc qu’elle n’était nullement une invention de Léo Taxil, et que « l’Apôtre de Lucifer » s’est réellement convertie au catholicisme
51. La tentative de sauver la légende créée par Taxil est impliquée par la logique même de l’antimaçonnisme radical : une légende trop belle en sa noirceur pour être abandonnée. Voilà pourquoi l’un des faux confectionnés par Taxil, les
Mémoires d’une ex-palladiste de Diana Vaughan, a été réédité en France au début des années 2000
52. À cet égard, la publicité des Éditions Delacroix
53 pour la réédition des
Mémoires d’une ex-palladiste de Diana Vaughan (alias Léo Taxil, alias…) est hautement significative :
« Les sociétés secrètes dans l’Histoire.
Comprendre leur rôle à partir des révélations faites par une grande prêtresse luciférienne.
Des documents jamais réédités jusqu’à aujourd’hui…
Aujourd’hui, la conversion de Diana Vaughan ne fait plus aucun doute grâce aux documents rapportés, essentiellement par Mgr Jouin et ses collaborateurs, dans la célèbre Revue internationale des sociétés secrètes.
Mémoires d’une ex-palladiste (Diana Vaughan, 1890) […]
Le 25 mars 1645, Thomas Vaughan, luciférien, fait un pacte avec le Diable. Plus de deux cents ans après, sa descendante Diana Vaughan, grande prêtresse luciférienne, se convertit au catholicisme et dévoile l’incroyable : les véritables origines de la Maçonnerie et ce qui se passe au sommet de celle-ci.
Quel est l’intérêt d’un tel témoignage?
À cette époque, le pontife de l’Église de Satan s’appelle Albert Pike. Celui-là même qui, en août 1871, annonçait trois guerres mondiales avant l’avènement du règne luciférien, un Nouvel Ordre mondial antichrétien.
Deux d’entre elles se sont déjà réalisées ! Au sujet du troisième conflit mondial, Albert Pike évoquait une guerre entre le monde juif et les musulmans.
Que se passe-t-il aujourd’hui ?
Un homme pouvait-il prévoir cela ? Non. Qui inspirait alors Albert Pike ?
Diana Vaughan répond : Lucifer !
Mais comment Lucifer intervenait-il auprès des ecclésiastiques de son Église ? Que font les hauts adeptes ? Qui est le Grand Architecte de l’Univers ? Quel est ce pouvoir occulte qui chapeaute le pouvoir politique visible?
Ne faudrait-il pas être un insensé pour se désintéresser d’un sujet aussi grave? Une réédition indispensable en ce temps où tout nous échappe, à savoir les faits qui sont à l’origine des manipulations politiques et géopolitiques d’aujourd’hui. Après une telle lecture on ne pourra plus dire : “Je ne savais pas !”
Un best-seller. »
Léo Taxil est mort depuis près d’un siècle, mais les légendes taxiliennes restent vivantes.
Illuminati et satanisme
Les relations intimes de la franc-maçonnerie avec le diable (et ses « fils », les Juifs) continueront de faire l’objet de récits et de « révélations » après la Seconde Guerre mondiale, essentiellement dans les mouvances du traditionalisme catholique. Mais l’anti-judéomaçonnisme d’orientation antisataniste, au cours des vingt dernières années du XXe siècle, est sorti des frontières du conspirationnisme chrétien pour entrer en syncrétisme avec des doctrines néo-païennes teintées d’occultisme, s’inscrivant de façon plus ou moins opportuniste dans la vague du New Age et bénéficiant du « revival » de l’ésotérisme dont les thèmes New Age ont favorisé le surgissement. Les écrits de publicistes contemporains tels que Jan Udo Holey montrent que l’héritage de cet antimaçonnisme sataniste frotté d’antisémitisme (toujours euphémisé) perdure et entre dans de nouvelles synthèses mythopolitiques, étrangères au catholicisme intransigeant, voire radicalement antichrétiennes.
Aussitôt après avoir dénoncé la « conspiration luciférienne », Holey ajoute, pour ne pas paraître naïf ou pire :
« Il est trop simpliste de penser qu’il s’agit d’une conspiration juive. C’est plutôt une conspiration satanique à laquelle ont participé des Juifs, Weishaupt, Marx, les Warburg et les Rothschild, Jacob Schiff
60. » Doit-on souligner la dénégation ? Ou insister sur l’involontaire surenchère? Même les néo-nazis, lorsqu’ils s’efforcent de fabriquer de futurs best-sellers, euphémisent plus ou moins habilement leurs discours visant les agissements criminels du « Juif International
61 ». La référence à Weishaupt relève du rituel initiatique, elle a force, pour ceux qui savent la décrypter, de faire entrer dans le monde de « l’histoire secrète » ou d’en réveiller l’intuition. Au tout début d’un livre qui a été beaucoup lu dans les années qui précédèrent la Seconde Guerre mondiale,
La Guerre occulte, écrit en collaboration par le comte (polonais) Emmanuel Malynski (?-1938) et Léon de Poncins (1897-1976)
62, deux idéologues du catholicisme traditionaliste et contre-révolutionnaire dont une certaine proximité avec Julius Evola a pu être relevée
63, on lit :
« Toute l’histoire du XIX
e siècle est marquée par l’évolution du mouvement révolutionnaire qui va de 1789 au bolchevisme russe. Cette lutte souterraine commença avec la Révolution française que soutinrent les “Illuminés” rassemblés au “convent” de Wilhelmsbad sous la présidence du professeur bavarois Weisshaupt [
sic]
64. »
Dans son best-seller conspirationniste paru en 1971, None Dare Call it Conspiracy, Gary Allen entonnera le même refrain :
« Karl Marx fut engagé par un groupe mystérieux qui s’appelait la Ligue des hommes justes pour rédiger le Manifeste communiste, comme attrape-nigauds destiné à séduire la populace […]. Tout ce qu’a vraiment fait Marx a été de mettre au goût du jour et de codifier exactement le programme et les principes révolutionnaires établis soixante-dix ans plus tôt par Adam Weishaupt, le fondateur de l’Ordre des Illuminés de Bavière. Et il est bien reconnu par les spécialistes sérieux de ces questions que la Ligue des hommes justes n’était qu’un succédané de l’Illuminisme […]
65 . »
En 2004, le Livre jaune n° 7 dénonce la grande conspiration mondiale en faisant des « révélations » supplémentaires particulièrement alléchantes concernant les Mormons :
« Ce n’est pas un secret que les
Illuminati ont soutenu certaines sectes, depuis le XIX
e siècle, et qu’ils ont même créé leurs propres sectes, plus tard. […]. Les Rothschild, Rockefeller, l’Église de Scientologie, le B’nai B’rith et même le Prieuré de Sion entretiennent des liens directs avec l’Église des Mormons ! Les activités du Prieuré de Sion ne se limitent pas à poursuivre les objectifs des
Illuminati. Cet ordre est directement responsable de l’existence et de tout ce qui concerne les Mormons. Tous les présidents de l’Église des Mormons sont des descendants directs de la dynastie des Mérovingiens
66 ! »
Dans sa catégorie élargie des
Illuminati, Holey intègre ainsi les Mormons, accusés de « satanisme » par le « docteur Bataille » dans
Le Diable au XIXe siècle, suivi en cela par certains théoriciens conspirationnistes américains contemporains
67.
La littérature « ésotérique » d’extrême droite se reconnaît donc d’abord à la théorie du « mégacomplot » qui structure tous les thèmes d’accusation véhiculés et toutes les prétendues « révélations » proposées au lecteur. Des « révélations » toujours inquiétantes sur des personnages célèbres (de Jésus-Christ à George W. Bush, en passant par Adolf Hitler et le pape Jean-Paul II) ou sur des événements historiques supposés recouverts des « mensonges » forgés et imposés par de terrifiants conspirateurs dans le plus grand secret, les «
Illuminati » et leurs affidés, censés occuper « les postes
-clés dans la haute direction des finances, de la politique, de l’économie, de la religion et des sciences
68 ». Ce qui est révélé et dénoncé, c’est une vaste manipulation, mondialement orchestrée par de « grandes puissances occultes
69 », l’objectif final étant la mise en place d’un « Gouvernement mondial », projet ordinairement attribué à Adam Weishaupt et aux Illuminés de Bavière
70, censé avoir été repris par Giuseppe Mazzini et le franc-maçon sataniste américain Albert Pike
71. Dans la foulée, on rencontre inévitablement Karl Marx, le B’nai B’rith et le Ku Klux Klan
72, sans parler des Templiers
73 et
du Council on Foreign Relations (CFR)
74… Mais il faut remonter aux origines du Mal :
« Les agissements des
Illuminati sur Terre remontent à environ 3 000 siècles av. J.-C. quand ils infiltrèrent la
Fraternité du serpent en Mésopotamie, dont ils se servirent à des fins négatives. […] Ce n’est qu’après 3 000 générations que lui succédèrent d’autres groupements, tels que les Juifs, les chrétiens, les francs-maçons ou d’autres communautés religieuses
75 . »
Dans le
Livre jaune n° 7, le lecteur inquiet apprend avec soulagement que « l’ensemble des bras armés de la conspiration mondiale […] ont été démasqués », à savoir : « Les Juifs, les maçons, le Prieuré de Sion, le Vatican, la Commission Trilatérale, le CFR, les groupes New Age, les différents cultes et sectes – chaque tendance remonte directement aux Rothschild
76. » Même si les « Maîtres cachés » ou les « Supérieurs Inconnus » de la grande conspiration restent, par définition ou par nature, non identifiables, le lecteur-initié du
Livre jaune sait désormais à quoi s’en tenir sur ses ennemis accessibles, qu’il peut dénoncer et combattre par les moyens qu’il jugera bons.
Savoir les secrets des
Illuminati, de ceux qui s’appellent eux-mêmes les « éclairés », c’est connaître leurs vrais desseins, c’est donc être aussi éclairé qu’eux, et ainsi pouvoir les affronter
77. Il suffit pour cela de lire le
Livre jaune ! Dans la grande conspiration mondiale qui est dénoncée, les Juifs tiennent la première place : non seulement les Juifs sont partout (y compris sous divers masques : Roosevelt, Staline, Helmut Kohl ou G. W. Bush, par exemple, seraient Juifs !), mais ils sont toujours derrière les pouvoirs visibles et ils sont capables de tout (ils seraient
responsables des deux guerres mondiales et de la troisième à venir !). Stéréotypes de l’infiltration, de la domination sans limites, de la manipulation et de la cruauté destructive. Appliqués à la critique de la démocratie, ils conduisent à récuser celle-ci comme un décor trompeur occultant la réalité ploutocratique du pouvoir. La littérature ésotérique d’extrême droite se reconnaît ensuite à la co-présence d’un certain nombre de références ou de motifs mélangeant mythe et histoire, délires racistes et discours pseudo-scientifiques, fictions paranoïaques et rumeurs « anti - » quelque chose. Référence obligée, tout d’abord, aux
Protocoles des Sages de Sion, ce faux fabriqué à Paris en 1900-1901 par un intermittent de l’Okhrana, Matthieu Golovinski
78, puis diffusé mondialement à partir de 1920
79.
Dans L’Énigme sacrée, ouvrage en trois parties, la deuxième partie, titrée « La société secrète », comporte un chapitre consacré à la « Conspiration à travers les siècles », où l’on rencontre un développement singulier sur les « Protocoles de Sion », qui commence ainsi :
« L’une des preuves les plus éloquentes de l’existence et des activités du Prieuré de Sion date de la fin du XIX
e siècle. Ce témoignage est bien connu, mais il est souvent contesté car il évoque beaucoup de souvenirs pénibles. Ayant joué en effet un rôle important dans des événements récents, il suscite aujourd’hui encore des réactions extrêmement violentes que la plupart des écrivains préfèrent éviter en le passant sous silence
80 . »
Les auteurs de
L’Énigme sacrée livrent leurs conclusions pour le moins risquées sur les origines des
Protocoles :
« 1) Il existe un texte original dont s’est inspirée la version officielle des
Protocoles. Ce texte n’est pas apocryphe, mais parfaitement authentique. […] 2) Le texte original dont s’est inspirée la version officielle des
Protocoles […] est un programme mentionnant des pouvoirs plus étendus, une franc-maçonnerie en expansion projetant de détenir le contrôle des institutions sociales, politiques et économiques. […] 3) Le texte original […] est tombé entre les mains de Sergeï Nilus […] [qui en a] remanié le langage pour le rendre plus véhément […]. 4) La version officielle des
Protocoles […] serait donc, selon nous, plutôt un texte remanié. Mais derrière ces modifications […], on retrouve des vestiges de la version originale. […] Ces vestiges […] prennent tout leur sens dans celui [le contexte] des sociétés secrètes. Nous allons […] découvrir qu’ils se rapportaient essentiellement au Prieuré de Sion
81 . »
Aucune de ces assertions n’est vraie. Mais le trio de pseudo-historiens britanniques a lancé sur le marché mondial du conspirationnisme une nouvelle généalogie fictive du célèbre faux antisémite.
Il est à noter que la véritable postérité historique des « Illuminés » n’intéresse pas les auteurs conspirationnistes : il n’y a en effet pas grand profit idéologique à tirer du fait que, par exemple, l’Ordre des Illuminés fut « réveillé » en milieu occultiste, dans les années 1895-1896, par Leopold Engel en collaboration avec Theodor Reuss (1855-1923), fondateur de l’
Ordo Templi Orientis (
O.T.O.), ordre néotemplier s’inspirant à la fois de la pensée théosophique et des mouvements rosicruciens
82. Toute une tradition
contre-révolutionnaire catholique a vu dans l’Ordre des Illuminés la première forme prise par la conspiration judéo-maçonnique
83. Holey reconstitue ainsi la stratégie « machiavélienne » générale des
Illuminati :
« Résumons brièvement ce système : 1. On provoque des conflits qui font que les hommes se battent entre eux et non contre ceux qui sont à l’origine de la dissension. 2. On ne se montre pas comme le véritable instigateur. 3. On soutient tous les partis en conflit. 4. On passe pour une instance bienveillante qui pourrait mettre fin au conflit. Voilà le chemin suivi par les
Illuminati qui veulent dominer le monde ; provoquer autant que possible la discorde parmi les hommes et les nations sur Terre. Ceux-ci, perdus dans un flot d’informations contradictoires, ne pourront remonter jusqu’aux vrais instigateurs. Des sociétés secrètes internationales leur servent d’instrument puissant pour semer la discorde entre les hommes. […] Les hommes empêtrés longtemps dans des guerres finiront par en avoir assez de combattre et en viendront à implorer un gouvernement mondial
84 . »
Les terrifiantes « révélations » de Fritz Springmeier sur les Illuminati : infiltration, programmation mentale, direction secrète des organisations mondialistes, préparation du règne de l’Antéchrist
Parmi les nombreux auteurs conspirationnistes cités et exploités (mentionnés, résumés, ou simplement plagiés) par des publicistes tels que Jan Udo Holey (Jan van Helsing ou David Icke, dont les ouvrages atteignent des tirages significatifs (dépassant 100 000 exemplaires), un certain
Fritz Springmeier
85 attire l’attention par la conjonction des délires de divers types qu’expriment ses écrits, quant à eux relativement confidentiels, mais qui inspirent de nombreux sites Internet. Dans les livres, les brochures et les cassettes (audio et vidéo) de Fritz Springmeier, la classique dénonciation « populiste » du gouvernement américain se mêle à celle du grand complot mondial (des « mondialistes »), et la dénonciation des activités criminelles des groupes satanistes (réels ou imaginaires) à celle des « abductions » extraterrestres d’humains pour faire des expériences ou pratiquer le conditionnement mental de futurs « esclaves », notamment par l’introduction d’implants. Ses écrits et ses propos (Springmeier étant un conférencier infatigable) illustrent la synthèse qui s’opère depuis le début des années 1990 entre l’antimondialisme à l’américaine
86, l’ufologie conspirationniste
87 et l’antisatanisme des chrétiens fondamentalistes
88.
De nombreux « témoignages », suivis d’enquêtes plus ou moins sérieuses, ont été publiés sur les « abductions », c’est-à-dire, en langage ufologique, les enlèvements d’humains et d’animaux par des extraterrestres. La construction de ces derniers comme des êtres en eux-mêmes hostiles aux habitants de la Terre, et tout particulièrement dangereux pour les humains, s’est largement faite sur la base de ces récits de disparitions, souvent accompagnés de précisions plus ou moins délirantes sur les prélèvements d’organes ou de sang, ou l’introduction d’implants. Ces
derniers sont décrits comme des instruments ou des appareils de très petite taille que les « aliens » introduiraient dans le corps des « abductés » ou « ravis », en général par le nez, les oreilles, les yeux, voire le sexe (chez l’homme). Les récits sur les « abductions » vont de pair avec la dénonciation de l’État fédéral américain ou de certains de ses services secrets, accusés de collaborer avec les extraterrestres envahisseurs, par exemple en leur fournissant des bases souterraines ou en leur facilitant la tâche dans leurs opérations d’enlèvements. D’où les représentations, banalisées par leurs exploitations cinématographiques, des « hommes en noir » (
Men in Black, MIB), agents de la CIA travaillant pour ou avec les extraterrestres, ou des « hélicoptères noirs » (
Black Helicopters)
89. Aux États-Unis, chez les professionnels de l’ufologie conspirationniste, John Keel a la réputation d’être l’un des meilleurs spécialistes des
Men in Black. L’expression a été popularisée par les deux films de Barry Sonnenfeld,
Men in Black I (1997) et
II (2002), qui, mêlant le comique au fantastique, ont obtenu un immense succès international : le film suppose que des extraterrestres de toutes sortes, dont certains fort inquiétants, vivent sur Terre à l’insu des humains (ces « extranéens » ou « aliénigènes » sont donc des « intra-terrestres »)
90. En France, le romancier-ufologue Jimmy Guieu s’est fait une spécialité de varier littérairement sur ces thèmes d’accusation et ces récits délirants
91.
Pour saisir les liens imaginaires tissés par les propagandistes « antimondialistes » d’extrême droite entre le projet d’instaurer le Nouvel Ordre mondial, le complot des
Illuminati et les pratiques secrètes de la CIA en matière de « contrôle mental
92 »,on peut se reporter à une longue interview du publiciste Fritz Springmeier, réalisée en 1998 par Wayne Morris au Canada pour Radio CKLN (Université Polytechnique Ryerson, Toronto, Ontario), et diffusée au cours d’une série d’émissions consacrée à la « programmation mentale ». Les expériences de « Mind Control » dont il est question sont censées s’opérer dans le cadre d’une conspiration gouvernementale (souvent pensée comme organisée par un gouvernement secret) ou bien dans celui d’un contrat secret entre hauts dirigeants et extraterrestres envahisseurs/colonisateurs/prédateurs pratiquant régulièrement des « abductions ». Les interviews radiophoniques ont été transcrites et diffusées, notamment en traduction française, par divers sites Web, par exemple sous le titre « Les survivants des
Illuminati parlent
93 ». Fritz Springmeier a en effet la réputation d’être un « expert des
Illuminati 94 ». Dans son introduction aux entretiens réalisés par Wayne Morris, Henri Viaud-Murat écrit, s’adressant aux « Chrétiens » :
« La mise en place du Nouvel Ordre mondial et la préparation par les
Illuminati de la manifestation de l’Antichrist [
sic] passent nécessairement par la réalisation de leur plan massif de programmation mentale. Ce plan vise à programmer et à conditionner mentalement, par toutes sortes de techniques ultra-sophistiquées, une armée, aussi nombreuse que possible, de soldats dociles et prêts à perpétrer toutes les atrocités que leur ordonneront leurs maîtres
95 . »
Fritz Springmeier est présenté en militant et combattant : « Ce chrétien exerce un ministère en faveur des survivants des
Illuminati. Il a aussi effectué de nombreuses recherches sur ces derniers, et publié beaucoup de livres et d’articles. » Lesdits « survivants » sont d’anciens « esclaves » mentalement programmés et souvent torturés par les prétendus
Illuminati – une autre catégorie de « survivants » étant constituée d’humains qui auraient été enlevés par des « aliens
96 ». Les « survivants » de ces enlèvements extraterrestres deviennent des témoins privilégiés, qui se transforment souvent en auteurs ou co-auteurs d’ouvrages à succès sur les horribles activités secrètes des « aliens » ou des
Illuminati, leurs complices supposés. Ces témoignages militants, tel celui de Cisco Wheeler exploité par Fritz Springmeier, relèvent d’une part de la littérature antisataniste qui a pris une surprenante ampleur au cours des vingt dernières années du XX
e siècle, en se jumelant avec divers courants de l’ufologie conspirationniste, et, d’autre part, d’une section de la science-fiction qui s’est spécialisée dans les récits d’invasion ou de conquête de la Terre par des extraterrestres aussi méchants qu’intelligents, donc hautement redoutables. Ce qui revient à jouer avec les tendances paranoïaques des lecteurs ou des spectateurs, sous la condition qu’une élaboration artistique du sentiment d’être menacé provoque une
catharsis, une purgation/sublimation des affects négatifs. Hommage involontaire à Herbert George Wells, pionnier en la matière, fondateur de tradition en tant qu’auteur de
The War of the Worlds (
La Guerre des Mondes), roman publié en 1898
97. Cette vision de la « guerre des mondes », où
d’horribles monstres venus d’autres mondes sont les agresseurs impitoyables
98, a été portée à l’écran avec talent par Steven Spielberg dans un film sorti en 2005
99. Après le gentil et charmant « E.T. l’extra-terrestre » qui veut le bien des Terriens (lesquels ne sont pas des anges), se profile la figure répulsive du méchant « E.B.E. » (Entité Biologique Extraterrestre), l’envahisseur, empruntant ses traits négatifs au nazi, au terroriste et au vampire. Le méchant absolu, c’est l’autre absolu du citoyen américain respectueux des droits de l’homme, c’est l’être le plus étranger à la morale du respect inconditionnel de la vie humaine. Or, le plus étranger des étrangers, et le plus étrange des êtres étranges, c’est l’extraterrestre monstrueux, tueurs d’humains, exterminateur, bref, intrinsèquement « barbare ». Un mélange d’esprit totalitaire et de pulsions criminelles. Après le
11 septembre 2001, l’imaginaire mondial se transforme : l’étranger absolu est désormais l’ennemi absolu. On ne saurait s’étonner de le savoir comploter, parfois depuis des siècles, voire des milliers de siècles.
C’est notamment à travers les témoignages des « survivants » de ces opérations criminelles (les « survivants »-témoins les plus célèbres étant des femmes, Cisco Wheeler et Cathy O’Brien
100, opérations menées dans le cadre de ce qui est parfois appelé « Projet MK Monarch » ou « Programme Monarch »
101, que Fritz Springmeier (et d’autres publicistes comme Alex Constantine ou Jim Keith
102 élaborent et nourrissent leurs représentations du grand complot. « MK » pour « Mind Kontrol » (
sic), le « K » connotant les activités criminelles des médecins nazis évacués aux États-Unis, dont les « expériences » sur des prisonniers des camps hitlériens auraient inspiré certains spécialistes de la manipulation des consciences travaillant pour la CIA, tel le Dr Ewen Cameron – connu pour sa participation au programme dit « MK Ultra », programme de recherches sur les manipulations mentales lancé en 1949, dont l’existence est attestée par de nombreux documents déclassifiés de la CIA
103. Cisco Wheeler s’est construit la réputation d’être une « survivante » du MK Ultra Monarch. Quant à Fritz Springmeier, il est régulièrement présenté dans les milieux conspirationnistes comme un spécialiste éminent du « Projet MK Monarch ». Dans son livre paru en 1995 (
The Top 13 Illuminati Bloodlines), ainsi que dans la seconde partie de l’entretien dont nous donnons ci-dessous des extraits, Springmeier revient longuement sur les relations entre le Dr Ewen Cameron et le Dr Joseph Mengele, qui aurait collaboré avec la CIA après 1945 sous le nom de « Dr Green ». Par exemple : « Mengele appartenait à une lignée d’
Illuminati et effectuait des recherches
Illuminati
dans des buts de contrôle de l’esprit. Il a mené de nombreuses recherches sur les jumeaux. Ils [Mengele et ses collaborateurs] ont alors découvert quel niveau exactement de trauma vous pouvez infliger à différentes personnes avant de les tuer
104 . » En 2004, dans le
Livre jaune n° 7, Holey-Helsing ne manque pas de consacrer un chapitre entier à la question ténébreuse : « Joseph Mengele et le projet
"Monarque"105 ». S’inspirant de Keith et de Springmeier, il affirme que c’est à Mengele « que l’on peut attribuer la paternité du projet
Monarque106 », et fournit ces précisions destinées à rendre crédible son récit ultérieur délirant : « La première partie du projet
Monarque a commencé au début des années 1950. Ce projet ultrasecret était chapeauté par un département entier de la CIA. […] Quand le projet a démarré, les responsables étaient des
Illuminati. Les quatre “cerveaux” de l’opération étaient le Dr Green – il s’agissait en fait de Mengele lui-même –, le Dr White, soit le Dr Eween Cameron, le Dr Black, soit le Dr Ed Hummel, et le Dr Blue, soit le Dr Heinrich Mueller
107. » Quant aux horreurs commises dans le cadre du « projet
Monarque » mythologisé, longuement détaillées par Springmeier, Keith ou Holey, on peut s’en faire une idée en lisant cette description fantasmagorique : « Le projet
Monarque remplissait un hangar géant destiné à la construction de gros avions. Dans ce hangar des milliers de cages étaient entreposées. Ces cages étaient juste assez grandes pour y loger de jeunes enfants. D’après nos informations [
sic], ces hangars contenaient de deux à trois mille bébés
108 . » Des bébés voués à devenir, à travers de terribles tortures, des « robots humains » ou des « esclaves des
Illuminati ». Car « sans les esclaves, le
Nouvel Ordre mondial ne peut exister
109 » . Cette littérature d’épouvante montre
que la position antitotalitaire elle-même peut être saisie par le délire.
Conduites à l’initiative de la CIA, des expérimentations sur des cobayes humains, consentants ou non, ont bien eu lieu, par exemple pour tester les effets de certaines drogues (le LSD notamment
110 sur le comportement humain, en vue de mieux « contrôler » ce dernier. Telle est peut-être la seule base empirique des représentations paranoïaques et des récits fantastiques concernant le grand complot criminel dénoncé par Fritz Springmeier, ses semblables (Jim Keith) et ses épigones ou vulgarisateurs (Holey, Icke).
Les écrits et les cassettes de ce professionnel de l’antimondialisme d’extrême droite mâtiné d’ufologie ont largement inspiré les auteurs conspirationnistes de la génération suivante, qui le paraphrasent ou le citent fréquemment. Du long entretien de Wayne Morris avec Fritz Springmeier, il nous suffira d’extraire le passage suivant, plus spécialement consacré aux méfaits des
Illuminati :
« Fritz Springmeier : Je salue tous nos auditeurs, et je vous encourage à écouter cette émission, parce que nous allons parler de choses importantes, qui auront des effets sur votre vie, et sur la vie de vos petits-enfants !
Wayne Morris : J’aimerais commencer en vous demandant comment vous avez été informé des recherches menées par le gouvernement sur la programmation mentale.
Fritz Springmeier : La programmation mentale touche beaucoup de domaines. Elle concerne surtout un gouvernement mondial secret dirigé par les Illuminati. C’est en enquêtant sur les Illuminati que j’ai appris ce qu’ils faisaient, et comment ils parvenaient à se cacher. Ils se camouflent derrière l’alibi de la Sécurité nationale. Ils se servent de notre patriotisme, et tentent de nous persuader que c’est notre intérêt, et l’intérêt de notre propre sécurité, que de nous soumettre à tout ce qu’ils veulent nous imposer, tout en gardant le secret sur leurs activités.
Wayne Morris : Est-ce en faisant des recherches sur la programmation mentale que vous êtes tombé sur les Illuminati, ou l’inverse?
Fritz Springmeier : C’est en enquêtant sur les Illuminati que j’ai découvert la programmation mentale. J’enquête aussi sur tout ce que fait le gouvernement. Mais, voyez-vous, nous ne voyons en général que l’apparence des choses. Si nous voulons savoir réellement ce qui se passe, il faut chercher derrière les apparences.
Wayne Morris : Pourriez-vous nous expliquer qui sont les Illuminati ?
Fritz Springmeier : Les
Illuminati sont ceux qui poussent et ébranlent notre monde. Il s’agit d’un groupe de familles qui font partie de l’élite sociale depuis des générations. Je les appelle les “ tribus ”, ou les "familles"
111. Il existe 13 familles principales. Ce sont des satanistes depuis des générations. Cela signifie qu’ils pratiquent leur sorcellerie secrète depuis des siècles. Ils se transmettent leur “ religion” de génération en génération. Ils mènent des doubles vies. Ils ont une vie publique, que tout le monde peut voir, et une vie cachée que le monde ne voit pas
112. Il n’y a que très peu de gens qui ont réussi à dévoiler leurs secrets. Ils sont passés maîtres en l’art du secret. Je n’aurais jamais pensé qu’ils puissent si bien réussir à garder secrètes leurs activités, tant que je n’ai pas commencé à faire des recherches sérieuses à leur sujet. Un certain John Robinson a présenté des preuves de l’existence d’une conspiration secrète contre tous les gouvernements de l’Europe
113. Cette conspiration secrète était organisée par des Francs-Maçons, des
Illuminati et des sociétés secrètes. Cela se passait en 1798. Vers la même époque, le gouvernement de Bavière fit aussi des descentes dans certains refuges des
Illuminati, et s’empara de leurs documents secrets. Il envoya ce dossier à tous les gouvernements européens, sous le titre : “ Les écrits originaux de l’Ordre des
Illuminati ”. Toutefois, à l’époque moderne, très peu de gens ont pu révéler des choses sur l’organisation actuelle des
Illuminati. Je me suis attelé à cette tâche. Je veux révéler largement qui sont ces gens, quelles sont leurs pratiques et leurs actions, absolument tout ! Si je réponds plutôt longuement à votre question, c’est parce que les gens ont tendance à interpréter les informations concernant les
Illuminati en fonction de leur propre système de pensée. Si vous voulez comprendre les
Illuminati, vous devez comprendre que ces gens ne pensent pas du tout de la même manière que vous et moi. Pour prendre un seul exemple, il faut savoir que beaucoup d’entre eux possèdent des personnalités multiples programmées. Cela crée déjà une énorme différence avec tous ceux qui, comme nous, ne sont pas des “ programmés multiples ”
(NDE : Springmeier utilise souvent ce terme, que nous pouvons définir comme un désordre de la personnalité : un seul individu possède plusieurs personnalités distinctes, qui sont toutes programmées et conditionnées au moyen de techniques psycho-scientifiques complexes).
Wayne Morris : Quand vous parlez des Illuminati, est-ce le même groupe qu’Adam Weishaupt a créé en 1776 en Bavière ?
Fritz Springmeier : Oui, c’est le même groupe. Mais ce n’est pas lui qui a créé cette organisation, elle remonte à bien plus loin. Ces familles oligarchiques sont extrêmement puissantes. Quand vous étudiez l’Histoire, vous vous rendez compte que ces familles oligarchiques n’ont jamais renoncé à leur puissance. Certaines de ces familles remontent même à Nemrod. Les Rothschild ont reconstitué leur généalogie secrète et la font remonter à Nemrod. Ce sont les mêmes qui contrôlaient les religions à mystères. Il existait un Conseil suprême qui supervisait toutes les religions à mystères de l’Antiquité. Leurs prêtres étaient très puissants, et ils ont choisi de rester cachés pendant des siècles et d’agir en secret. Mais ils ont toujours été présents. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, une commission a été envoyée en Europe pour faire le point sur toutes les églises qui avaient été détruites pendant la guerre. On a trouvé sous les autels « chrétiens » des autels païens. Beaucoup de cathédrales ont été construites à des endroits qui étaient considérés comme des centres occultes très puissants. Aux heures où il n’y avait pas de services religieux, on utilisait ces églises pour des cérémonies sataniques. Cela a continué à se pratiquer en secret pendant des siècles.
Wayne Morris : Voulez-vous dire que ce sont les Illuminati qui ont infiltré ces églises ?
Fritz Springmeier : Ce sont ces familles très puissantes qui contrôlent notre monde. Par exemple, l’une de ces familles comprend toutes les familles royales d’Europe
114. Ce sont ceux-là qui dirigent en fait. Beaucoup d’États européens ont des Églises nationales qui sont dirigées par leur roi ou leur reine.
Wayne Morris : Vous avez mentionné 13 familles d’Illuminati. Pouvez-vous les nommer?
Fritz Springmeier : J’ai publié un livre qui présente en détail toutes ces familles. Les 13 principales familles sont les Astor, les Bundy, les Collins, les Dupont, les Freeman, les Kennedy, les Leigh, les Onassis, les Rockefeller, les Rothschild, les Russell, et les Van Dine. La treizième famille est celle des Mérovingiens. Celle-ci est très importante, car elle regroupe toutes les familles royales d’Europe. Dans mon livre sur les Illuminati, je n’ai pas trop parlé de la branche mérovingienne, car il existe d’autres livres qui la présentent en détail. Par exemple, le Prince Charles d’Angleterre en fait partie. Si vous étudiez sa généalogie, vous voyez qu’il est apparenté à plusieurs Présidents américains : Washington, Jefferson, Madison, les deux Harrison, Tyler, Taylor, et George Bush. Le Vice-Président de George Bush (père), Dan Quayle, est aussi apparenté à la famille royale anglaise. Le Prince Charles est aussi apparenté à Madame Woodrow Wilson. Les Américains pensent que les familles qui les dirigent ne sont pas apparentées entre elles, mais c’est tout le contraire. On m’a dit que quand ils ont inauguré la bibliothèque de George Bush au Texas, le Président Carter a rappelé qu’il avait publié un livre pour montrer que tous nos Présidents étaient plus ou moins apparentés.
Wayne Morris : Quand avez-vous appris l’existence des Illuminati ? Quelles sont les informations qui ont éveillé votre intérêt ?
Fritz Springmeier : Tout le monde a sans doute entendu parler des Témoins de Jéhovah et de la manière dont ils font du porte-à-porte par équipes de deux. Quant à moi, j’étais un missionnaire chrétien, et je travaillais à conduire à Christ des Témoins de Jéhovah. Un jour que j’étais fatigué de travailler avec les Témoins de Jéhovah de la base, j’ai prié Dieu de me donner le moyen de décapiter l’organisation autoritaire qui contrôle tous les Témoins de Jéhovah. Ma prière a été exaucée. J’ai obtenu des informations confidentielles prouvant que les chefs des Témoins de Jéhovah, qui dirigent la Watchtower Society (Société de la Tour de Garde), collaborent avec les chefs de l’Église des Mormons (Église des Saints des Derniers Jours)
115. Cette information a complètement bouleversé ma vie. C’est alors que j’ai découvert les
Illuminati et leurs techniques de program-mation mentale. Je ne veux pas pointer seulement du doigt les Témoins de Jéhovah et les Mormons, car les
Illuminati ont infiltré toutes les religions et les Églises, et ils les contrôlent en très grande partie. Toutes les dénominations chrétiennes en général ont été infiltrées, et sont secrètement contrôlées par les
Illuminati. C’est comme cela que j’ai tout d’abord appris l’existence des
Illuminati. Je connaissais déjà depuis environ vingt ans l’existence du CFR (Council of Foreign Relations), de la Commission Trilatérale et du groupe de Bilderberg
116. Mais nous parlons ici d’une organisation qui se situe à un tout autre plan
117. Quand j’ai commencé à faire mes recherches, j’ai aussi commencé à aider des gens qui voulaient sortir du milieu des
Illuminati. J’ai encore appris de nouvelles choses à cette occasion, en particulier la manière dont fonctionnait la programmation mentale. Une chose m’a conduit à une autre.
Wayne Morris : Quelle relation existe-t-il entre les Illuminati et les organisations que vous venez de nommer?
Fritz Springmeier : Tous ces groupes, dont les décisions influencent le monde, ne sont que des paravents pour cacher les Illuminati, qui les dirigent en fait. Ces groupes travaillent à réaliser les objectifs des Illuminati, qui sont ceux qui les dirigent en secret.
Wayne Morris : Quels sont les objectifs des familles d’Illuminati et de toute leur organisation? Pourquoi les Illuminati ont-ils infiltré ces organisations mondiales ?
Fritz Springmeier : C’est pour mettre en place ce que l’on appelle le Nouvel Ordre mondial, et aussi un homme qui doit encore paraître, et qui attirera l’attention du monde entier. Cet homme s’appelle l’Antichrist. C’est leur objectif final. Je ne veux pas donner aux auditeurs l’impression que je veux leur faire un sermon religieux, mais c’est tout simplement un fait. Quand vous travaillez à déprogrammer les victimes des
Illuminati, vous voyez qu’elles ont été programmées en fonction d’un plan mondial très élaboré, qui vise à unifier le monde sous le règne de l’Antichrist
118.
Wayne Morris : Vous avez dit que les Illuminati utilisent la programmation mentale pour atteindre leurs objectifs. Comment l’avez-vous découvert? Vous avez travaillé avec Cisco Wheeler, qui a écrit un livre avec vous. Je crois qu’elle était l’une des victimes du contrôle mental des Illuminati. Comment l’avez-vous rencontrée, et avez-vous compris ce qui se passait?
Fritz Springmeier : Elle essayait de briser le carcan de sa programmation mentale. J’ai découvert qu’il s’agissait du plus grand système esclavagiste que le monde ait jamais connu. Il y avait en fait quatre femmes qui faisaient partie des Illuminati, et qui fonctionnaient en équipe. Elles étaient toutes les quatre devenues chrétiennes, et elles essayaient de se libérer en s’aidant mutuellement. Et moi, je faisais des recherches sur les Illuminati. Ceux qui sont mentalement programmés sont programmés pour ne jamais révéler leurs secrets. Il est très difficile pour ceux qui ont été chez les Illuminati, et qui ont été mentalement programmés, de révéler tout ce qui s’y passe. Ces femmes ont pu travailler avec moi beaucoup plus facilement, parce que j’avais déjà fait des recherches personnelles, et elles savaient que j’allais comprendre ce qu’elles voulaient me dire. Elles n’avaient pas besoin de parler beaucoup pour me dire certaines choses, parce que j’étais déjà au courant. Cela leur a épargné beaucoup de souffrances, et évité que certains programmes défensifs se déclenchent, parce qu’elles en avaient trop dit. Cisco Wheeler faisait partie de ce groupe qui s’efforçait d’échapper au contrôle mental. Puisque je les avais rencontrées, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour les aider. J’ai fait sortir Cisco des Illuminati. En retour, ma connaissance des Illuminati a énormément progressé, parce que j’avais affaire à des gens qui me donnaient des informations directement vécues de l’intérieur. Ensuite, j’ai aussi rencontré d’autres survivants. Je le répète, il est très difficile de comprendre cette organisation très secrète et les liens entre ces familles, parce que l’on doit mettre de côté nos habitudes culturelles et nos façons de penser, pour comprendre comment pensent et agissent les Illuminati. Ils ne pensent pas de la même manière que nous. Le fait d’avoir pu travailler avec ces survivants des Illuminati a été d’un grand prix pour moi.
Wayne Morris : Est-ce que les Illuminati pratiquent la programmation mentale sur les membres de leurs propres familles ?
Fritz Springmeier : Oh oui ! Ils le font depuis des siècles, et c’est un secret très bien gardé. C’est l’une des raisons pour lesquelles ils ont pu faire tout ce qu’ils ont fait, et progresser dans la mise en place du Nouvel Ordre mondial, sans que le public se doute de l’existence d’une conspiration aussi vaste et aussi forte. Ils sont très forts pour faire en sorte que tout semble se produire de façon naturelle. »
Ce n’est donc pas simplement un complot étatique américain, ni même un complot mondial que dénonce Fritz Springmeier, c’est le Grand Complot, le super-complot mondialiste destiné à installer l’Antéchrist (ou Antichrist) à la place du Roi du Monde. Dans cette nouvelle offensive luciférienne, les
Illuminati ont trouvé des alliés particulièrement
redoutables : les extraterrestres, ou du moins une variété peu recommandable d’« E.B.E. » ou d’« aliens », qui pratiquent les « abductions » dont tant de « témoins » font état. Car il existe de multiples variétés d’extraterrestres. Le document non signé publié sous le titre
Opération « Cheval de Troie » (sous-titre : « La Terre aux mains des Petits Gris »), publié en annexe de la traduction française du
Gouvernement secret de Milton William Cooper
119, commence par esquisser une typologie des variétés d’extraterrestres
120. L’auteur prétend qu’« il a été dénombré à ce jour une quarantaine de races d’aliénigènes », parmi lesquelles on peut mentionner « celles qui fréquentent le plus souvent notre planète » : les « Grands Blonds », les « géants », les « êtres interdimensionnels », les « nains velus », les « mini-androïdes », les « clones de type aryen », les « Petits Gris », qui constituent les « entités biologiques extraterrestres » (E.B.E.). Mais les « Petits Gris » se divisent eux-mêmes en trois sous-types
121 : «
Type 1 : Ils vénèrent la technologie et ne nous respectent guère. Ce type d’êtres a été popularisé par Whitley Strieber dans son récit
Communion.
Type 2 : Ils ont une allure générale qui s’apparente au type 1, quoique leur visage soit légèrement différent, de même que la disposition de leurs doigts. […] Nous ne savons pas s’ils ont besoin de se nourrir des mêmes sécrétions que ceux du type 1.
Type 3 : Ils présentent les mêmes caractéristiques fondamentales mais occupent une position subalterne face aux deux autres types. » Ici encore, l’adaptation cinématographique d’un récit, non pas d’un roman mais d’un témoignage (ou supposé tel), a largement popularisé un thème ufologique : la figure des « Gris » ou « Petits Gris », à travers le film
Communion, tiré du livre de Whitley Strieber portant le même titre, best-seller publié en 1987
122.
Hors du champ de l’ufologie d’épouvante (Cooper, Keel, Springmeier, etc.), une explication de type conspirationniste a été avancée, notamment par Jacques Vallée : les enlèvements extraterrestres seraient la manifestation plus ou moins observable d’une plus vaste intelligence qui jouerait une comédie mythique pour alimenter les croyances humaines
123. Cette intelligence supérieure exploiterait la crédulité des humains : « C’est une nouvelle forme de conscience qui émerge et qui arrive à manipuler notre perception de la réalité
124 . » Jacques Vallée occupe une place particulière dans le monde bariolé des ufologues américains. Car Jacques Vallée, né en 1939 à Pontoise, après avoir fait des études de mathématiques et d’astrophysique à Paris et à Lille, s’est engagé dans une double carrière d’ufologue et d’informaticien aux États-Unis, où il s’était installé en 1962
125. Il va y rencontrer le célèbre ufologue américain Joseph Allen Hynek, avec lequel il va engager une collaboration durable. Vallée, auteur de plusieurs best-sellers internationaux, et bénéficiant d’une réputation de « chercheur » sérieux dans les milieux ufologiques américains, sera choisi comme modèle par Steven Spielberg, dans le film
Rencontres du Troisième Type (1977), pour le personnage de Lacombe, savant français dont le rôle est joué par François Truffaut. On sait que Spielberg, préparant son film, s’était sérieusement documenté sur la question des extraterrestres, et avait notamment consulté J. Allen Hynek
126. La réaction de Vallée a été plutôt critique quant à l’image donnée par Spielberg des «
aliens » : ces êtres venus d’ailleurs sont en effet présentés dans le film comme des « frères » inoffensifs. Cet angélisme du cinéaste, qu’on retrouvera dans
E.T. (1982) – mais avec lequel il rompra avec la série
Disparitions (2002) qu’il coproduira, virage confirmé en 2005 par
La Guerre des
Mondes –, ne pouvait que choquer un « chercheur » prenant très au sérieux les récits d’enlèvement qui, à partir du début des années 1980, ont transformé globalement la vision ufologique, y faisant désormais prévaloir le fantastique sur le merveilleux, alimentant un nouveau discours sur les extraterrestres « ravisseurs » et les « soucoupes violentes » (!), illustrant un genre proche de la science-fiction d’épouvante.
Des lignées sataniques et du Prieuré de Sion au pouvoir du Vril
Les écrits ésotérico-conspirationnistes de Holey sont fortement tributaires de ceux du polygraphe antisataniste Fritz Springmeier, mêlés à ceux de quelques autres auteurs spécialisés dans le même genre politico-littéraire (Mullins, Perloff, Cooper, Sutton, Icke, Coleman, etc.). Le
Livre jaune n° 7 (2004), dans sa première partie consacrée aux « 13 lignées sataniques » – dénoncées comme « la cause de la misère et du mal sur Terre
127 » – , comporte un court développement sur « le Prieuré de Sion » s’inspirant explicitement du récit fabriqué diffusé par le livre de Baigent, Leigh et Lincoln,
Holy Blood and Holy Grail (cité en note
128, mais le réinscrivant dans le méta-récit mythologique portant sur le destin de la « tribu de Dan
129 », présentée comme l’« une des lignées sataniques les plus puissantes au cours des siècles
130 » :
« Les descendants de la tribu de Dan ont protégé la 13
e lignée tout au long de l’histoire, jusqu’à notre époque actuelle. C’est d’elle que doit naître l’Antéchrist, celui qui dirigera le monde. Ils ont été aidés par une des sociétés les plus puissantes et les plus secrètes du monde, qui est apparue sous différents noms, le plus souvent sous le nom d’
Ordre de Sion. Cet ordre a été fondé par Godefroy de Bouillon après la conquête de Jérusalem. Au cours des siècles, cet ordre s’est transformé en ce que nous appellerons le
Prieuré de Sion. Cet ordre est un des précurseurs principaux de l’Antéchrist ! Depuis sa création, l’ordre a toujours été très proche de la 13
e lignée. Le nom du
Prieuré de Sion est apparu pour la première fois à la conquête de Jérusalem, pendant les Croisades. Godefroy de Bouillon a construit un monastère près de Jérusalem, qu’il a appelé
Notre Dame du Mont de Sion. Le monastère avait un objectif principal, faire vivre l’
Ordre de Sion. […] L’ordre avait le pouvoir de choisir le roi qui montait sur le trône de Jérusalem. Il était dirigé par des grands maîtres […]. Des membres de cet ordre ont fait partie des
Illuminati, aux plus hautes responsabilités. […] Ce sont des membres de cet ordre qui ont fondé la communauté des Templiers, les premiers banquiers internationaux […]. Ils avaient aussi des membres parmi les Rose-Croix et les francs-maçons. Ils ont contribué à fonder le Rite écossais, une branche importante de la maçonnerie actuelle. Les plus hauts degrés du Rite écossais correspondent aux degrés inférieurs du
Prieuré de Sion. La magie hermétique a toujours fait partie de leurs pratiques secrètes. […] Tous les membres du Prieuré s’adonnaient à des pratiques occultes et ésotériques. Les membres les plus influents de cet ordre ont toujours œuvré dans l’ombre des grands événements politiques, ils ont influencé l’histoire de façon décisive, à toutes les époques
131 . »
La puissance des
Illuminati serait, selon Holey, inséparable de l’existence de sociétés secrètes, en particulier de la Société Vril (ou « du Vril »), ordre secret qui aurait été actif sous le Troisième Reich
132. Dans
Le Matin des magiciens
, Pauwels et Bergier mentionnaient la « société berlinoise » qui « se nommait “La Loge Lumineuse” ou “Société du Vril” », en lui attribuant une importance décisive, en raison de ses « théories “scientifiques” » et de ses « conceptions "religieuses” » qui auraient « alimenté le nazisme originel » et « auxquelles croyait Hitler et les membres du groupe dont il faisait partie
133 » . La source commune à tous les auteurs qui en ont parlé est le témoignage – contestable en tant que tel – de l’ingénieur allemand Willy Ley qui, aux États-Unis où il avait émigré en 1935, a esquissé dans un article paru après la Deuxième Guerre mondiale une histoire des idées pseudo-scientifiques qui avaient été prises au sérieux, selon lui, sous le Troisième Reich
134. Ley mentionnait non seulement la célèbre théorie de la glaciation et celle de la terre creuse, mais encore une « secte de Berlin qui s’adonnait à des pratiques de méditation destinées à pénétrer le secret du
vril 135 » .
À l’origine de ces légendes pseudo-historiques, il y a notamment la thèse occultiste de la terre creuse et de son peuplement souterrain par une race supérieure décrite dans le roman d’Edward George Bulwer-Lytton (1803-1873) paru en 1871,
The Coming Race (« La Race à venir », ou « La Race qui nous supplantera »), sous le nom de Vril-ya, et reprise par Joseph-Alexandre Saint-Yves d’Alveydre (1842-1909)
136 dans sa
Mission de l’Inde avec l’Agartha (ou Agarttha), région de l’Himalaya (Tibet) érigée en centre spirituel caché (souterrain) de la Terre, voire centre initiatique
du Monde
137. Le romancier et poète anglais Bulwer-Lytton, dont l’initiation rosicrucienne ne fait guère de doute et qui fut l’ami d’Éliphas Lévi
138, avait flirté de façon très poussée avec l’occultisme et s’était passionné pour les sociétés secrètes, tout en menant une carrière politique. Edward George Earle Bulwer, Lord Lytton, descendant d’un alchimiste du XVII
e siècle, le docteur John Bulwer, entra au Parlement en 1831 et fut ministre des Colonies de la Reine Victoria. Il est connu pour son roman historique
Les Derniers Jours de Pompéi, ainsi que pour ses romans d’épouvante et de mystère comme
Zanoni et
Une histoire étrange. Il aurait appartenu à un groupe ultra-secret et, selon une étrange affirmation de « l’historien » Andrew Lang, il aurait rencontré le comte de Saint-Germain (1700-1784) à Paris en 1860
139 ! Il comptait notamment, parmi ses lecteurs enthousiastes, Mme Blavatsky elle-même, cofondatrice (avec Henry Steel Olcott) de la Société Théosophique à New York le 13 septembre 1875
140. Mme Blavatsky le rangeait parmi les grands « supérieurs inconnus » de l’humanité. Dans son utopie, le pouvoir du
vril, comprenant la télépathie et la télékinésie, était possédé par ladite race souterraine d’hommes, les Vril-ya ou « civilisés », psychiquement « très avancés par rapport
à l’espèce humaine
141 » . Le
vril est décrit comme une onde mystérieuse qui condense en elle toutes les puissances énergétiques de la matière et permet l’hypnotisme, la désintégration, la cure des maladies, etc.
142 Son grand avantage pour les « civilisés » du monde souterrain, c’est qu’il suffit à assurer la subsistance de tous. Bref, l’abondance règne : figure de l’âge d’or. Les Vril-ya, en aristocrates qu’ils sont, professent un total mépris pour le Koom-Posh, c’est-à-dire la démocratie, qu’ils définissent comme « le gouvernement de l’ignorant basé sur le principe du plus grand nombre », système politique aberrant qui reste en vigueur chez un certain nombre de tribus, à divers stades de barbarie, habitant le même monde souterrain. Les commentateurs n’ont pas manqué de discerner, dans le Koom-Posh, la figure répulsive de l’Amérique démocratique, utilitaire et mécanisée. Réinterprété par Louis Jacolliot
143, puis par Mme Blavatsky, le fictif
vril va être conçu comme un « énorme réservoir d’énergie dans l’organisme humain, inaccessible aux non-initiés ». D’où la croyance que « quiconque devenait maître de cette force du
vril pourrait, comme la race des Vril-ya […], jouir d’une maîtrise totale sur toute la nature
144 » . C’est notamment par la médiation des milieux théosophiques que la fiction du
vril s’est par la suite diffusée
145.
La fiction du
vril comme énergie cosmique susceptible d’être captée et utilisée par certains initiés a été intégrée
dans le monde des légendes sur « l’ésotérisme nazi », à travers les récits suspects sur la prétendue « Société du Vril » et sur l’importance ordinairement surestimée de la Société Thulé, à laquelle a été raccroché le mythe de l’Agartha. Dans la littérature mythologisante sur le nazisme et ses prétendues « origines occultistes », on apprend que la légende transmise par les initiés de la Société Thulé à Rudolf Hess
146, Adolf Hitler et Alfred Rosenberg aurait été la suivante : après la disparition de la grande île d’Hyperborée par l’effet d’un cataclysme cosmique, quelques Hyperboréens survécurent, notamment des « membres de l’Initiation suprême » (qui vivaient à Thulé, capitale d’Hyperborée), détenteurs des secrets reliant les humains aux « Intelligences du Dehors », et se seraient installés dans le Gobi, puis, à la suite d’une seconde catastrophe, dans un immense refuge souterrain du massif de l’Himalaya, où ils se seraient scindés en deux groupes, l’un suivant « la voie de la main droite, sous la roue du Soleil d’Or », l’autre optant pour « la voie de la main gauche, sous la roue du Soleil Noir ». La première voie aurait eu son centre à Agarthi ou Agartha, lieu de la contemplation et cité cachée du Bien, l’autre voie passerait par Schamballach ou Shambalha, lieu de la violence et cité de la Puissance. Il suffit, pour nazifier la légende, de suggérer que Hitler fut séduit par ce récit qui comportait la prédiction de la venue « millénaire », selon un cycle régulier, du « Supérieur Inconnu », censé pouvoir donner naissance à la « nouvelle dynastie solaire » qui régnera plus d’un millénaire sur le monde
147.
Voilà qui, dans l’univers fantastique de Holey
148 et d’autres, nous conduit aux ovnis, et tout particulièrement
aux soucoupes volantes allemandes que les nazis auraient construites entre 1935 et 1945, comme en témoigne le petit livre de Norbert Jürgen Ratthofer et Ralf Ettl,
Das Vril-Projekt (
Le projet Vril. Le combat final pour la Terre), publié à Vienne en 1992
149. À l’instar d’autres ufologues fascinés par le nazisme, tels Willibald Mattern, Wilhelm Landig et Ernst Zündel
150, le néo-nazi chilien Miguel Serrano (né en 1917), grand maître du « hitlérisme ésotérique », est allé jusqu’à soutenir qu’après la destruction du Troisième Reich, nombre de nazis se seraient cachés dans des bases souterraines situées aux pôles (plus précisément en Antarctique)
151, et seraient les créateurs des ovnis, avec ou sans l’aide d’extraterrestres d’autres galaxies
152.
Mais ces publications mettent aussi en scène des extraterrestres avec lesquels nombre d’auteurs de textes ésotérico-nazis disent être ou avoir été en contact. Holey, par exemple, affirme que le premier volume de ses
Sociétés secrètes (1993, puis 1995) a été écrit sous l’impulsion de puissances supérieures. Le témoignage de ses parents, Hannes et Luise Holey, eux-mêmes auteurs de textes ésotériques, est net : le jeune Jan Udo entretenait des liens avec des extraterrestres et de grands personnages du passé
153. Le spiritisme fait partie du tableau. Un autre thème récurrent est présent dans une partie de cette littérature conspirationniste faisant référence aux ovnis et aux extraterrestres : plusieurs espèces étrangères à l’espèce humaine vivraient clandestinement parmi les humains, et ces espèces étrangères
seraient mues par de très mauvaises intentions. Dénonciateur professionnel du Nouvel Ordre mondial, William Milton Cooper (1943-2001), militant de la « Christian Right » et activiste du « Patriot Movement », connu pour son livre à succès
Behold a Pale Horse (« Voici un cheval blême »)
154 et pour ses « visions radicales dans le domaine ufologique », allait jusqu’à soutenir que la plupart des spécialistes des ovnis n’étaient que des agents d’une grande conspiration visant à dissimuler les extraterrestres pour que ces derniers puissent réaliser leur plan d’invasion et de conquête sans rencontrer de résistance humaine. Il y a là des ressources symboliques inépuisables pour les interprétations paranoïaques de l’histoire récente
155. On ne s’étonne pas de pouvoir lire les
Protocoles dans le best-seller de « Bill » Cooper,
Behold a Pale Horse155, qui dénonce le « pouvoir occulte » des « sociétés secrètes ». Peu avant sa mort violente au cours d’un échange de tirs avec des policiers qui venaient l’arrêter (5 novembre 2001), le « patriote » milicien Cooper (considéré par certains journalistes comme un néo-nazi) s’était appliqué à mettre en doute la « thèse officielle » sur les attentats du 11 septembre, où il voyait le résultat d’une conspiration co-organisée par la CIA. Bien entendu, sa mort a été attribuée par ses admirateurs aux agents des
Illuminati, que ses « révélations » auraient fortement indisposés.
1 Film réalisé par Rob Bowman, 1998.
2 Sir Arthur Conan Doyle,
Sherlock Holmes – Étude en rouge (1887).
3 Le début de la sagesse est d’étudier la nature et de ne pas craindre la mort, selon la tradition dont Lucrèce est un précieux témoin, dans le
De Natura Rerum (III, V).
7 Le contraste est net entre le « Que sais-je ? » sur
Les Sociétés secrètes (Hutin, 1987) et les récits complaisants de
Hommes et civilisations fantastiques, publiés dans la collection « L’aventure mystérieuse » (Hutin, 1970). La remarque pourrait être étendue aux livres de Jean Robin (1977 et 1982) ou, dans le genre « décryptage » des thrillers « ésotériques » de Dan Brown, de Simon Cox (Cox, 2004 et 2005), de Jean-Jacques Bedu (Bedu, 2005a et 2005b, non dépourvus de qualités) et de Philippe Darwin (Darwin, 2005, ouvrage affligeant). En langue anglaise, les ouvrages de Lewis Spence, de Colin Wilson, de Robert Anton Wilson, d’Alexandra Robbins (2003) et de David Conway (1985), voire ceux de Francis King (King, 1972 et 2004) ou de Joscelyn Godwin (notamment Godwin, 2000), relèvent à la fois du « discours sur » de type historico-critique et du discours-objet, faisant partie du genre littéraire « ésotérique » mâtiné de fantastique ou de goût pour les « sociétés secrètes » (ou prétendues telles). Il en va de même, en langue allemande, pour l’essai de Peter Bahn et de Heiner Gehring sur le mythe du Vril (Bahn/Gehring, 1997). Ce qui rend difficile leur classement bibliographique selon la distinction documents/études (voir la bibliographie en fin de volume, où je me suis efforcé de respecter la classique distinction entre sources primaires et secondaires, ce qui n’est ici possible que jusqu’à un certain point). Mais, dans l’œuvre de René Guénon (voir Biblio, I), l’on trouvait tout autant des développements relevant des travaux universitaires et des considérations appartenant clairement aux spéculations ésotériques.
8 Pseudonyme de composition pris par Jean Angelini et Michel Bertrand. Ce dernier a été l’un des animateurs de la section française de la WUNS (World Union of National Socialists), créée en août 1962 par Françoise Dior (fille de Christian Dior), compagne et future épouse de Colin Jordan, fondateur et dirigeant du National Socialist Movement (NSM) en Grande-Bretagne. Dans le
cadre de la « Fédération ouest-européenne » de la WUNS, dirigée par l’ancien Waffen-SS Yves Jeanne, Michel Bertrand était responsable du « Bureau psychologique fédéral » dont les activités se limitèrent à la publication d’un texte d’orientation délirant, intitulé Notre sens national-socialiste de la race (Chairoff, 1977, pp.205, 447).
9 Idéologue et militant de l’ethno-nationalisme normand, ancien d’Europe Action, écrivain d’extrême droite lié à la fois au GRECE et au Front national (il tient une rubrique littéraire à
National-Hebdo).
10 À l’inverse, on doit relever le fait qu’un véritable érudit tel que l’historien Jean Saunier a publié certains de ses livres dans la collection dirigée par Louis Pauwels, « Histoire des personnages mystérieux et des sociétés secrètes » (Saunier, 1971 et 1973).
11 Bouchet, 1990, 1998 et 1999.
12 Taguieff, 2004b, pp. 86, 193, 194, 820.
14 Voir Sède, 1988, en partic. pp. 107-162 ; Etchegoin/Lenoir, 2004, pp. 17-69. Voir
supra, chap. I.
15 Association loi de 1901, le Prieuré de Sion existe toujours en 2005, ayant survécu au dévoilement public des prétentions ridicules de son fondateur Plantard.
16 Voir par exemple : Picknett/Prince, 1999/2001a, ou Starbid, 1993.
17 Cox, 2004 et 2005. Une étude spécifique devrait être consacrée aux faux « décodages » ou aux « décryptages » trompeurs auxquels les romans de Dan Brown ont donné lieu.
18 Picknett/Prince, 1997 ; tr. fr., 1999 (2001).
19 Voir http://www.theforbiddenknowledge.com, extrait le 8 mars 2005. Voir aussi
supra, chap. I (fin), l’extrait du texte de Herbert G. Dorsey III, l’une des sources de Holey (
Livre jaune).
20 Voir
supra, chap. III.
21 Livre jaune n° 5, p. 63. Holey se réfère sur ce point (p. 312, note 18) à Herbert G. Dorsey III (1993) et à William Guy Carr (1999).
22 Livre jaune n° 5, p. 32. Allusion à un faux attribué à Albert Pike, une prétendue lettre à Mazzini (datée du 15 août 1871) où Pike expose un plan prévoyant trois guerres mondiales successives (Carr, 2005b, pp. 225-228).
23 Livre jaune n° 7, p. 154. On lit dans
Satan, prince de ce monde : « La première réunion des Sages de Sion au sujet du Sionisme politique se tint […] à Bâle, en Suisse, en 1897 » (Carr, 2005b, p. 228).
24 Titre d’une brochure diffusée au Canada puis en France dans les années 1937-1938. Voir
infra, chap. VIII., p.402.
25 Livre jaune n° 7, p. 19.
26 Voir
supra, chap. I. La diabolisation du catholicisme utilise désormais la référence à l’
Opus Dei, présenté comme une secte manipulatrice et criminelle à l’intérieur de l’Église. Fondé en 1934-1935 par le prêtre espagnol Jose Maria Escriva De Balaguer, l’
Opus Dei, soit la « Société sacerdotale de la Sainte Croix et de l’Œuvre de Dieu », si critiquable soit-elle, ne ressemble guère aux caricatures de propagande que certains essayistes et romanciers recyclent sans vergogne dans leurs publications.
27 Livre jaune n° 6, p. 151.
28 Voir Poncins, 1975, pp. 94-96 ; Coston, 1979 ; Ploncard d’Assac, 1983, pp. 107-117. Rappelons que, pour une étude historique des Illuminés de Bavière, la thèse de René Le Forestier (1868-1951), parue en 1914, reste l’ouvrage de référence (Le Forestier, 2001). Voir
supra, Introduction et chap. III.
29 C’est Léo Taxil qui, dans sa polémique antimaçonnique, a inventé de toutes pièces les thèmes d’accusation visant Albert Pike (voir notamment Taxil, 1885a, t. II, et 1887b), repris indéfiniment jusqu’aux plus récents pamphlets conspirationnistes : Pike reste l’un des « Grands Prêtres du culte luciférien »
censés contrôler la « Synagogue de Satan » (Carr, 2005b, p. 166). Voir par exemple Meurin, 1893, pp. 210, 215, 433-434, 450, 457-459. Sur Albert Pike, dans une perspective antimaçonnique, voir le livre d’Arthur Preuss, paru aux États-Unis en 1908, et traduit en français par les soins de la Revue internationale des sociétés secrètes de Mgr Jouin (Preuss, 1924). La satanisation de Pike, fondée sur les accusations de Léo Taxil, est un thème polémique partagé par la plupart des auteurs conspirationnistes se réclamant du christianisme : Meurin, Jouin, Webster, Queenborough, Carr, Griffin, Monast, etc. Voir aussi infra, Annexe III, le texte de Myron Fagan.
30 Weber (E.), 1964, p. 53.
31 Voir Introvigne, 1997, pp. 145-156, 175-179, 201-204, 233-235, 323.
32 Voir Taxil, 1991, pp. 208-279.
33 Monast, 1994, p. 25 ; et pp. 13-16, 25-26.
34 Bataille, 1892-1894, t. I, p. 395.
36 Bataille, 1892-1894, t. I, pp. 315, 318-319, 324.
38 Meurin, 1893, pp. 166-167.
39 La brochure d’Adolphe Ricoux (104 p.) fait en effet référence à M
gr Fava et à Taxil, et prétend en exposer les « thèses » ; voir
infra, Bibliographie, I (Ricoux, 1891).
40 Ricoux, 1891, cité par Meurin, 1893, p. 167.
41 Weber, 1991, p. 145. L’organe de la branche britannique de la Société Théosophique était intitulé
Lucifer, et Rudolf Steiner, alors qu’il était secrétaire général pour l’Allemagne de la Société Théosophique, baptisera sa revue du nom de
Luzifer (1902).
42 Voir Weber, 1964, en partic. p. 48 ; James, 1981, pp. 247-252 ; Ferrer-Benimeli, 1989b ; Laurant, 1990 ; Hervieu, 1991 ; Laurant et Poulat, 1994 ; Rousse-Lacordaire, 1996 et 2003 ; Introvigne, 1997, pp. 167-199 ; Lemaire, 1998, en partic. pp. 63-75, et 2003.
44 Meurin, 1893. L’archevêque-évêque de Port Louis a placé en épigraphe de son livre ce passage de l’
Apocalypse (II, 9) : « Je sais ce que vous souffrez et combien vous êtes pauvre ; néanmoins vous êtes riche. Vous êtes calomnié par ceux qui se disent Juifs, et ne le sont pas : ils sont la Synagogue de Satan. Ne craignez rien de ce que vous avez à souffrir. »
46 André/Beaufils, 1995, p. 126.
48 Jean, évêque de Verdun, lettre datée du 10 octobre 1910 (reproduite
in Barbier, 1910, p. IX). Voir aussi Laurant, 1993, p. 85.
49 Taguieff, 2004b, pp. 330-331.
50 Taguieff, 2004b, pp. 143, 302, 327-328. Cet officier de l’armée allemande (capitaine) avait créé, peu avant la Première Guerre mondiale, l’Alliance contre l’arrogance de la juiverie. Selon Hagemeister (1995, p. 149), en 1919, le fils de Serge A. Nilus, alors exilé en Allemagne, était vraisemblablement en contact avec le comte Ernst zu Reventlow et Ludwig Müller pour faire sortir son père de Russie.
51 Spectator
et al., 1930.
52 Vaughan, 1895. Voir
infra, Bibliographie, I.
53 Voir http://ed.delacroix.free.fr. Rappelons que l’éditeur catholique traditionaliste Jacques Delacroix est lui-même un pamphlétaire conspirationniste prolifique. Voir
infra, Bibliographie, I.
55 Meinvielle, 1965, p. 76.
56 Meinvielle, 1965, pp. 77-78.
57 Meinvielle, 1965, p. 30.
58 Ibid., [pp. XII-XIII].
60 Livre jaune n° 6, p. 152. Weishaupt est, une fois de plus, identifié en tant que Juif : la cohérence de la vision généalogique du « mégacomplot » dépend de cette « judaïsation » rétrospective.
61 Voir Ford, 1920-1922, 4 vol. ; réimpression, 2004. En 2001 a été publiée en Suisse la première traduction française de la version réduite (en un vol.) du best-seller antisémite
The International Jew (attribué abusivement au seul Henry Ford), avec une introduction du négationniste d’extrême droite René-Louis Berclaz (Ford, 2001). On trouvait la signature de Berclaz dans la revue évolienne
Totalité. Voir par exemple René-Louis Berclaz, « Les nouvelles armes de l’usurocratie » (
Totalité, n° 17, printemps 1984, pp. 16-22), article portant en épigraphe un passage souvent sollicité de l’
Apocalypse (XIII, 17) : « Nul ne pourra acheter ou vendre que celui qui aura le caractère ou le nom de la Bête, ou le nombre de son nom. »
62 L’un des premiers pamphlets antisémites, antimaçonniques et anticommunistes de Léon de Poncins,
Les Forces secrètes de la Révolution, fut traduit en 1929 en allemand (
Hinter den Kulissen der Revolution, Berlin, Schlieffenverlag, 2 vol.) ainsi qu’en anglais (G.-B. et États-Unis). Voir
infra, Bibliographie, I.
63 Maistre,
in Evola, 1987.
64 Malynski, Poncins, 1940, p. 1.
65 Allen, 1972 (1971), pp. 25-26.
66 Livre jaune n° 7, pp. 168-169. Sur la diabolisation des Mormons, voir
Davis, 1960, et infra, dans ce même chapitre (à propos des visions de Fritz Springmeier).
67 Tanner (G.)/Tanner (S.), 1992 ; Lockwood, 1993, pp. 118-120. Voir Introvigne, 1997, p. 323, note 40.
68 Livre jaune n° 5, p. 277.
69 Livre jaune n° 7, p. 62.
70 Livre jaune n° 7, pp. 86, 180.
71 Livre jaune n° 7, pp. 96-97. Dans
Satan, prince de ce monde, le dernier livre auquel il travaillait peu avant sa mort (2 octobre 1959), William Guy Carr a donné un ultime exposé synthétique de ces légendes sur la « conjuration de Lucifer », avec pour principaux personnages Weishaupt, Pike et Mazzini (Carr, 2005b, pp. 127-229).
72 Livre jaune n° 7, pp. 95-101.
73 Livre jaune n° 7, pp. 47-52, 101. Emprunt à Baigent/Leigh/Lincoln (1982).
74 Livre jaune n° 7, pp. 37-38, 131-132, 259. Emprunt à Gary Allen (1971-1972).
75 Livre jaune n° 5, p. 33.
76 Livre jaune n° 7, p. 375, note 218.
77 Taguieff, 2004c, pp. 797-804.
78 Ce faussaire, simple escroc et habile opportuniste en politique, n’était ni un antisémite professionnel (comme Krouchevan ou Boutmi), ni un mystique tenté par l’occultisme (comme Nilus).
79 Pour la diffusion avant la Seconde Guerre mondiale, voir Rollin, 1991 (1939) et Cohn, 1967 ; mais ces auteurs n’avaient pas eu accès aux archives qui ont permis à la fois d’identifier le faussaire et de dater précisément la rédaction du faux à Paris. Voir Taguieff, 2004b et 2004c.
80 Baigent
et al., 1983, pp. 176-177.
81 Baigent
et al., pp. 180-181.
82 Introvigne, 1993, pp. 64-65 ; Laurant, 1993, p. 57, et 1998, p. 966. En 1912, Theodor Reuss (ancien socialiste exclu du parti pour espionnage supposé au profit de la police prussienne) accorde à Aleister Crowley une charte le faisant Grand Maître National et Général pour la Grande-Bretagne et l’Irlande de la
Mysteria Mystica Maxima, en tant que X
e de l
’O.T.O. En 1925, Crowley succède à Reuss (mort à Munich le 28 octobre 1923) à la tête de l’Ordre. En 1929, Crowley publie son principal ouvrage :
Magick in Theory and Practice. Dans sa somme antimaçonnique, antisémite et anti-occultiste,
Occult Theocrasy
(1933), Lady Queenborough se montre à la fois ironique et indignée devant les extravagances de Crowley qui, par exemple, se regardait lui-même comme une réincarnation d’Éliphas Lévi (Queenborough, 1975, en partic. pp. 575-577).
84 Livre jaune n° 5, pp. 34-35.
85 Victor Earl Schoof, né aux États-Unis à Garden City (Kansas) le 24 septembre 1955, a changé légalement de patronyme et de prénoms en 1987, pour adopter ceux de Fritz Artz Springmeier. Depuis les années 1980, il fait partie de la mouvance chrétienne-nationaliste de l’extrême droite américaine. Il serait membre de la Christian Patriot Association. Dans les années 1990, selon certaines enquêtes journalistiques, il se serait rapproché des milieux « suprématistes » (les défenseurs de la « race blanche »), au point de devenir membre de l’Army of God (ce qu’il a démenti). Pour des détails biographiques sur le personnage, mais dans un style moralisateur suranné, voir John S. Torell, « Fritz Springmeier – Another Human Tragedy », http://www.eaec.org, 25 juillet 2005 (site de l’European American Evangelistic Crusader).
86 Carr, 1998 et 1999 (1958 / 2005a).
87 Cooper, 1989, 1991 et 2004.
88 Sur cette vague antisataniste commencée dans les années 1980, voir Introvigne, 1997, pp. 334-396.
89 Voir Hopkins, 1987 ; Cooper, 1989, 1991 et 2004 ; Keel, 1970 et 2002 ; Keith, 1993 et 1994a, b, c ; Sider, 1994 ; Mack, 1995. Voir aussi l’enquête de Marie-Thérèse de Brosses, 1997, ainsi que les travaux encyclopédiques de Peter Knight 2003 et 2004. Sur les « Black Helicopters », voir Spark, 2003.
90 Les deux héros (joués par Tommy Lee Jones et Will Smith), « K » et « J », sont membres d’une agence ultra-confidentielle, inconnue du gouvernement. Ils sont chargés de « réguler l’immigration extra-terrestre sur Terre ». Le texte de présentation du DVD insiste sur leur rôle de protecteurs : « Ils sont votre assurance tous risques, votre meilleure chance de survie, votre ultime protection contre la vermine intergalactique. » Les aliens représentent donc une menace, ils sont désignés comme des envahisseurs. Mais l’humour du réalisateur permet une mise à distance des motifs d’épouvante. Voir Costello, 2004, pp. 126-127.
91 Voir Guieu, 1990, 1991, 1992 et 2000. Pour un examen critique sévère des interprétations avancées par Hopkins (1987, 1988), Strieber (1987, 1988), Mack (1995), Jacobs (1995) et tant d’autres ufologues spécialisés dans les récits de rencontres éprouvantes avec des « aliens » hostiles ou d’abductions extraterrestres, voir Méheust, 1985 et 1992 ; Klass, 1988 ; Todd Carroll, 2005.
92 Sur l’opération « Mind Control », voir Marks, 1979 ; Bowart, 1994 ; Constantine, 1995 et 1997 ; Springmeier/Wheeler, 1996 et 1998.
93 En ligne sur le site en langue française : http://www.eglisedemaison.be, 25 février 2005.
94 L’expression est de Katie Klemenchich, 2004, p. 25.
95 Article de
Parole de Vie (http://www.paroledevie.org).
96 « Abductés » (traduction possible de «
abductees », de l’anglais «
to abduct » : « enlever ») ou « ravis » (traduction proposée par Bertrand Méheust, 1985 et 1992). L’un des plus célèbres de ces « témoignages » est dû à Debbie Tomey, qui signe Kathie Davis ou Debbie Jordan, dont le cas a été étudié et exploité dans les années 1980 par le peintre et sculpteur américain Budd Hopkins (né en 1931), devenu un ufologue célèbre, à partir de 1977-1978, à la suite de diverses rencontres « troublantes » (Hopkins, 1987 et 1995). Voir Jordan/Mitchell, 1995 ; Brosses, 1997, pp. 95
sq.
97 Le récit de Herbert George Wells (1866-1946) paraît d’abord en feuilleton
dans le Pearson’s Magazine d’avril à décembre 1897, puis est publié en volume séparé l’année suivante, pour devenir aussitôt un best-seller, malgré les critiques lui reprochant son écriture sans recherche, son style journalistique (Wells, 2005 ; Lagrange, 2005a, pp. 49-60). C’est au roman de science-fiction de Wells qu’on doit notamment la fixation sur les « Martiens » du type de l’envahisseur extraterrestre, décrit comme un monstre d’une espèce particulière (les « poulpes » martiens de Wells, qui se nourrissent de sang humain, sont les descendants de créatures originellement semblables aux humains, mais qui auraient évolué de façon divergente dans un environnement différent), un monstre prédateur avec lequel est engagée une « lutte pour la vie » (struggle for life) impitoyable (emprunt au « darwinisme social » de l’époque). Wells a créé le mythe du Martien envahisseur, toujours présent dans l’imaginaire de nos contemporains. Le beau film de Tim Burton, Mars Attacks ! (1996, DVD chez Warner Home Video), suffirait à en témoigner. Voir Manfrédo, 2000, pp. 22-26 ; Andrevon, 2005a, b et d ; Bargain, 2005a, b, c et d.
98 Voir par exemple le film saisissant de Don Siegel sorti en 1956,
Invasion of the Body Snatchers (
L’Invasion des profanateurs de sépultures [
sic]), d’après le roman de Jack Finney,
L’Invasion des profanateurs (1955) (dont Philip Kaufman, en 1978, a réalisé une seconde adaptation fort réussie, et Abel Ferrara une troisième en 1993),
The Quatermass Xperiment (
Le Monstre, 1955) ou
Quatermass II (
La Marque ou Terre contre satellite, 1957) de Val Guest, ou encore certains textes de Jimmy Guieu, tels
L’Invasion de la Terre (1956),
Hantise sur le monde, etc. Voir Guieu, 2000, pp. 4-5. Pour d’autres exemples, voir Sabatier, 1973 ; Manfrédo, 2000 ; Baudou, 2003, pp. 80-81 ; Costello, 2004 ; Andrevon, 2005c ; Bargain, 2005b.
99 Kathleen Kennedy et Colin Wilson en sont les coproducteurs, et Tom Cruise l’acteur principal. Avant le film de Steven Spielberg,
La Guerre des Mondes a fait l’objet d’une remarquable adaptation cinématographique en 1953, par George Pal (producteur et décorateur) et Byron Haskin (réalisateur) – DVD chez Paramount. Sur le thème des invasions extraterrestres au cinéma, voir le remarquable hors-série n° 8 (« La Guerre des Mondes »), été 2005, du magazine
L’Écran fantastique. Voir notamment Andrevon, 2005a, b, c et d ; Bargain, 2005a, b, c et d.
100 Voir Springmeier/Wheeler, 1996 et 1998.
101 Pour une synthèse récente, voir Karma One, 2005.
102 Voir Constantine, 1995 et 1997 ; Keith, 1993, 1994a, b, c. Sur les visions conspirationnistes de Jim Keith, voir Goodrick-Clarke, 2002, pp. 170, 281-282.
104 (Interview en ligne à l’adresse : http://www.karmapolis.be/pipeline/inter-view_springmeier_suite.htm ; tr. fr. légèrement modifiée par mes soins.) Voir aussi Springmeier/Wheeler, 1996, et Keith, 1994a.
105 Livre jaune n° 7, chap. 10, pp. 67-78.
107 Ibid., p. 69 ; traduction modifiée par mes soins.
111 Ou encore : les « lignées » (
Bloodlines).
112 Modèle devenu classique du récit fantastique. Voir le célèbre roman de Robert Louis Stevenson (1850-1894) publié en 1886 :
L’Étrange cas du Dr Jekyll et M. Hyde. Le thème central de ce roman d’« exploration scientifique » est connu : le docteur Henry Jekyll invente un produit chimique qui provoque chez lui un dédoublement de personnalité, ce dont témoigne son double effrayant, Mister Hyde, aussi laid que sanguinaire. La figure de l’apprenti sorcier (mise en scène par Mary Shelley dans son célèbre
Frankenstein ou le Prométhée moderne, roman paru en 1818) fait place à celle du savant fou, victime d’un savoir et d’un savoir-faire qu’il ne saurait totalement maîtriser. Les arguments de Jean Gattegno, datant de 1818 la naissance de la science-fiction, sont convaincants : « Tout commence avec Frankenstein. Au-delà du vieux mythe prométhéen qui le fonde et de la jeune tradition romantique qui le met au goût du jour, le roman de Mary Shelley est le premier récit de fiction qui utilise le ressort d’une science en pleine expansion pour lancer son intrigue » (Gattegno, 1977, p. 38).
113 Voir Robison, 1797 (et 1798). Voir Carr, 2005b, 151
sq., 195, 215-216.
114 Thèse reprise par David Icke, Jan Udo Holey, etc.
115 L’antimormonisme constitue une importante composante de l’antisatanisme, en particulier dans la culture américaine. Voir Davis, 1960 ; Introvigne, 1997, pp. 92-95. Voir aussi
supra, dans ce même chapitre (à propos du
Livre jaune n° 7).
116 Voir Allen, 1971-1972 et 1976, ouvrages de vulgarisation des conceptions propres à la première génération d’après-guerre des auteurs conspirationnistes américains, suivis par leurs homologues ou leurs imitateurs européens (Henry Coston, Pierre de Villemarest, Yann Moncomble, etc.).
117 Springmeier imagine le pouvoir des
Illuminati comme un super-pouvoir ultra-secret s’exerçant à travers le contrôle des « sociétés secrètes » ou semi-secrètes connues, c’est-à-dire dont les noms sont connus, et souvent les membres. Il y a en effet une contradiction pragmatique à prétendre décrire une « société secrète » : si elle est vraiment secrète, on ne la connaît pas, on n’en peut rien dire, elle est vouée à rester inconnue. Les théoriciens conspirationnistes cherchent à sortir de la contradiction en redoublant indéfiniment le groupe supposé secret, sur le modèle de la distinction barruélienne entre « loges » (franc-maçonnerie visible) et « arrière-loges » (direction invisible des « sectes » et des « sociétés secrètes », franc-maçonnerie comprise). L’accès aux « Supérieurs inconnus » implique donc une initiation préalable (d’où l’importance accordée aux témoignages de supposés ex-initiés) ou la possession de documents interceptés ou saisis par la police (cas de la lettre de 1822 attribuée à « Piccolo-Tigre »), ou encore volés par de bonnes âmes (cas des
Protocoles des Sages de Sion, selon Serge Nilus).
118 Pour une exposition développée de cette vision apocalyptique, voir la brochure de Serge Monast,
Le Gouvernement mondial de l’Antéchrist (introduction datée du 4 janvier 1994), dont les références principales sont William Guy Carr (1956 et 1958), les
Protocoles des Sages de Sion (avec les commentaires de Nilus et de Marsden), Lady Queenborough (1933), Antony C. Sutton, Eric D. Butler (1974), René Bergeron (1993), Léon de Poncins (1934 ; nvelle éd., 1975), J. Du Plessis (1937).
119 Cooper, 2004 (1989), pp. 59-122.
120 « Taxinomie générale des aliénigènes »,
in Cooper, 2004,pp. 64-67.
121 Opération…,
in Cooper, 2004, pp. 66-67.
122 Strieber, 1987 ; Conroy, 1989. Sur le cas Strieber, voir l’enquête de Marie-Thérèse des Brosses, 1997, pp. 251
sq. Sur les variétés d’extraterrestres, voir l’ouvrage en deux volumes de Jean-Paul Ronecker, qui reproduit les dessins réalisés par les « témoins » ou d’après les descriptions données par ces derniers (Ronecker, 2001).
123 Voir Vallée, 1989 et 1991.
124 Vallée, 1991 (cité par Brosses, 1997, p. 411).
125 Sur la trajectoire de ce personnage du monde ufologique, voir http://www.rr0.org/Vallee.Jacques.html.
126 Campos, 2005, p. 40. Voir aussi Bergier, 1978, pp.90-92.
127 Livre jaune n° 7, p. 17. Voir Springmeier, 1995, 1996 et 1999.
128 Voir
Livre jaune n° 7, p. 365, note 59.
129 Sur la « tribu de Dan » dont l’Antéchrist est censé provenir, voir Armogathe, 2005, pp. 228-229, 231, 294.
130 Livre jaune n° 7, p. 60.
131 Livre jaune n° 7, pp. 65-66.
132 Livre jaune n° 7, p. 39.
133 Pauwels/Bergier, 1972, pp. 339-340. Karl Haushofer, présenté comme animateur de la Société Thulé, aurait aussi été membre de la Société du Vril, société secrète qui se serait inspirée des doctrines de Louis Jacolliot (1837-1890). Voir Brissaud, 1969, pp. 51-52. Sur ces affirmations douteuses, voir
supra, chap. VI, p.293.
134 Ley, 1947 ; Hakl, 2000, p. 14.
135 Goodrick-Clarke, 1989, p. 302. Le mot « vril » peut signifier simplement « énergie » ou « force », auquel cas ce nom commun ne doit pas porter une majuscule ; mais il peut aussi apparaître comme un nom propre (« Vril »).
136 Joseph Saint-Yves, marquis d’Alveydre, est à l’origine du mythe synarchique. Il définissait la synarchie comme un « gouvernement général scientifique ». Sur Saint-Yves d’Alveydre (Joseph-Alexandre Saint-Yves, dit) et la « synarchie », voir Weiss, 1967 (1949); Saunier, 1971 et 1981 ; Galtier, 1989, pp. 306
sq. ; Dard, 1998.
137 Saint-Yves d’Alveydre, 1910 et 1926 ; Ossendowski, 2000 (1922) ; Guénon, 1927 ; Saunier, 1981, pp. 345-368 ; Chacornac, 1986, pp. 75-77 ; Laurant, 1993, pp. 114-115. Voir aussi
supra, chap. VI. Le thème de l’Agartha a fait l’objet de nouvelles variations fantaisistes dans la littérature pseudo-historique sur la nazisme et l’occultisme : voir Brissaud, 1969, pp. 58-60 ; Ravenscroft, 1977 (1973), pp. 244
sq. ; Ribadeau Dumas, 1975, pp. 99-101.
138 Galtier, 1989, pp. 174-176. Mais qu’il ait été « imperator » de la
Societas Rosicruciana in Anglia (fondée en 1866) relève de la légende (reconduite par Sède, 1978, pp. 138-141). Sur l’influence d’Éliphas Lévi sur Bulwer-Lytton, voir Colin Wilson, 2003, pp. 427-429. Contrairement à ce qu’affirme un article anonyme sur « Saint-Yves d’Alveydre, ancêtre de la synarchie », paru dans
Les Documents maçonniques (février 1944, p. 129 ; rééd., 1986, p. 907), il n’est nullement établi que Saint-Yves a été en relations avec Bulwer-Lytton (Saunier, 1981, p. 89).
139 Rapporté par Jacques Bergier,
in Bulwer-Lytton, 1987, p. 7. On sait que le comte de Saint-Germain, aventurier dont la vie reste mystérieuse, passait pour avoir été un éminent « occultiste » (avant la lettre), et que Cagliostro s’est prétendu son disciple. Il se disait immortel. Sur Bulwer-Lytton, voir Saunier, 1981, pp. 89-93.
140 Goodrick-Clarke, 1989, pp. 26-27 ; Barkun, 2003, pp. 31-32.
141 Goodrick-Clarke, 1989, p. 302. Le roman de Bulwer-Lytton,
The Coming Race, prend également place dans l’histoire des utopies modernes, où il illustre, d’une part, la sous-catégorie des utopies souterraines (Trousson, 1979, p. 96), et, d’autre part, celle (minoritaire dans le champ littéraire utopiste) des utopies sans institutions, dans lesquelles on suppose que la sagesse et les bons instincts permettent aux humains de se passer de lois et de gouvernement (Trousson, 1979, pp. 22, 106). On peut aussi considérer ce roman comme « l’ancêtre de l’utopie eschatologique du XX
e siècle » (
ibid., p. 197), en ce que son auteur manifeste une perte de foi au Progrès conçu comme marche nécessaire vers le bonheur universel, sans pour autant élaborer une anti-utopie (à la manière de Zamiatine, de Huxley, d’Orwell) (
ibid., p. 245). Pour une analyse du contenu de la fiction, voir Ruyer, 1950, pp. 233-237 ; Morton, 1964, pp. 159-169 ; Cioranescu, 1972 ; Trousson, 1979, pp. 222-223.
142 Trousson, 1979, p. 222.
143 Jacolliot, 1873, 1875.
144 Goodrick-Clarke, 1989, p. 302.
146 Rappelons que Rudolf Hess fut réellement un disciple de Karl Haushofer, théoricien de la géopolitique.
147 Voir Brissaud, 1969, pp. 58-59. Pour une autre version, voir Ribadeau-Dumas, 1975, pp. 98
sq. Dans son
Histoire mondiale des sociétés secrètes, Serge Hutin, traitant des « coulisses occultes du national-socialisme », insiste pour sa part sur l’influence de l’occultiste Jan Hanussen, présenté comme le « mage noir » de Hitler, qui aurait succédé à Haushofer, en 1929, à la tête de la Société Thulé (Hutin, 1959, pp. 357-360 ; voir aussi Gerson, 1969, pp. 130-143).
148 Sur la Société Thulé, l’Agartha, le vril et la Société (du) Vril, voir
Livre jaune n° 5, pp. 140-170.
149 Voir Ratthofer/Ettl, 1992. Cet ouvrage constitue l’une des sources de Jan Udo Holey : voir Helsing, 2004. Sur ce livre, voir Bahn/Gehring, 1997, pp. 84-90.
150 Le néo-nazi canadien d’origine allemande Ernst Zündel (né en 1939) est connu pour son engagement dans les milieux négationnistes (Goodrick-Clarke, 2000, pp. 10-12, 282-284, 288-290, 301-304 ; 2002, pp. 157-161). La maison d’édition qu’il a fondée, Samisdat Publishers, a publié un certain nombre de textes mêlant ufologie conspirationniste et ésotérisme nazi (voir par exemple Mattern, 1974). Voir aussi le roman de Landig, 1971 (Godwin, 1993, pp. 63-69 ; Goodrick-Clarke, 2002, pp. 137-139, 157-158).
152 Sur ces thèses, voir Godwin, 2000, pp. 75-87,123-124 ; Goodrick-Clarke, 2002, pp. 151-172.
153 Voir Meining, 2004, p. 515.
154 1
re éd., 1989 ; 2
e éd. revue, 1991 (ouvrage d’environ 500 pages). Cooper inspire autant Holey que David Icke (par exemple : Icke, 1994, pp. 195-235). 155. Grant, 1998 ; Goodrick-Clarke, 2002, pp. 294
sq. ; Barkun, 2003.
155 Cooper, 1991, pp. 267-332. Dans ses commentaires des
Protocoles, Holey cite ou paraphrase Cooper (Goodrick-Clarke, 2002, p. 293). Voir Helsing, 1993, pp. 36, 43-49 (ou
Livre jaune n° 5, pp. 74-78).
156 Voir Tesla, 1992, et Velikovsky, 1952, 1953, 2003 (1950), 2004 (1955). Velikosvky (1895-1979) est présenté par son plus récent éditeur français (Le Jardin des Livres) comme « l’un des plus grands génies du XX
e siècle ». Les Éditions Félix, qui éditent depuis 1997 le
Livre jaune, ont publié un ouvrage entièrement consacré à la vie et à l’œuvre de Nikola Tesla, intitulé
Coucou, c’est Tesla. L’énergie libre, attribué à un mystérieux « collectif d’auteurs ». Sur Tesla, voir O’Neill, 1944 ; Colladay, 1959 (réimpression, s.d.) ; ainsi que la biographie très informée de Margaret Cheney (1981).
157 Deyo, 2004, pp. 71-78.
158 Deyo, 2004, pp. 93-94.
159 Deyo, 2004, pp. 295-304.
160 Deyo, 2004, pp. 229-234.
161 Icke, 2002, pp. 61-62.
163 Icke, 2002, pp. 62-63.
164 Faivre, 1986 et 2002.
165 Pois, 1993, pp. 63-99.
167 Livre jaune n° 5, pp. 288-304.
168 Livre jaune n° 5, p. 307.
169 Livre jaune n° 7, p. 117.
170 Le Conseil européen pour la recherche nucléaire (CERN) fut créé en 1952. Devenu le Laboratoire européen de physique des particules, ce centre de recherche est toujours désigné par l’acronyme CERN. Son siège est à Genève.
171 Dan Brown, 2005, pp. 52-53.
172 Livre jaune n° 7, 2004, p. 159.